Terreur

La terreur cherche à « stabiliser » les hommes en vue de libérer les forces de la Nature ou de l’Histoire. C’est ce mouvement qui distingue dans le genre humain les ennemis contre lesquels libre cours est donné à la terreur ; et aucun acte libre, qu’il soit d’hostilité ou de sympathie, ne peut être toléré, qui viendrait faire obstacle à l’élimination de l’« ennemi objectif » de l’Histoire ou de la Nature, de la classe ou de la race.
Culpabilité et innocence deviennent des notions dépourvues de sens: « coupable » est celui qui fait obstacle au progrès naturel ou historique, par quoi condamnation a été portée des « races inférieures », des individus « inaptes à vivre », des « classes agonisantes et des peuples décadents ».
La terreur exécute ces jugements, et devant son tribunal, toutes les parties en cause sont subjectivement innocentes : les victimes parce qu’elles n’ont rien fait contre ce système, et les meurtriers parce qu’ils n’ont pas vraiment commis de meurtre mais ont exécuté une sentence de mort prononcée par une instance supérieure.
Les dirigeants eux-mêmes ne prétendent pas être justes ou sages, mais seulement exécuter les lois historiques ou naturelles ; ils n’appliquent pas des lois, mais réalisent un mouvement conformément à la loi qui lui est inhérente. La terreur est légalité si la loi du mouvement est une force surhumaine, la Nature ou l’Histoire.

Hannah Arendt, Le Système totalitaire, Les origines du totalitarisme, chap. IV, Gallimard, col. Points, Paris, 2002, p. 289.


 

Il y aurait à écrire, de ce point de vue, une histoire de la gauche intellectuelle française par rapport à la révolution soviétique, pour montrer que le phénomène stalinien s’y est enraciné dans une tradition jacobine simplement déplacée (la double idée d’un commencement de l’histoire et d’une nation-pilote a été réinvestie sur le phénomène soviétique) ; et que, pendant une longue période, qui est loin d’être close, la notion de déviation par rapport à une origine restée pure a permis de sauver la valeur suréminente de l’idée de Révolution. C’est ce double verrouillage qui a commencé à sauter : d’abord parce qu’en devenant la référence historique fondamentale de l’expérience soviétique, l’œuvre de Soljenitsyne a posé partout la question du Goulag au plus profond du dessein révolutionnaire ; il est alors inévitable que l’exemple russe revienne frapper comme un boomerang son « origine » française. En 1920, Mathiez justifiait la violence bolchevique par le précédent français, au nom de circonstances comparables. Aujourd’hui, le Goulag conduit à repenser la Terreur, en vertu d’une identité dans le projet. Les deux révolutions restent liées ; mais il y a un demi-siècle, elles étaient systématiquement absoutes dans l’excuse tirée des « circonstances », c’est-à-dire de phénomènes extérieurs et étrangers à leur nature. Aujourd’hui, elles sont accusées au contraire d’être consubstantiellement des systèmes de contrainte méticuleuse sur les corps et sur les esprits. Le privilège exorbitant de l’idée de révolution, qui consistait à être hors d’atteinte de toute critique interne, est donc en train de perdre sa valeur d’évidence. (p. 28, 29)
Toutes les situations d’extrême péril national ne portent pas les peuples à la Terreur révolutionnaire. Et si cette Terreur révolutionnaire, dans la France de la guerre contre les rois, a toujours ce péril comme justification elle-même, elle s’exerce, en fait, indépendamment de la situation militaire : les massacres « sauvages » de septembre 1792 ont lieu après la prise de Longwy, mais la « grande Terreur » gouvernementale et robespierriste du printemps 94 coupe ses têtes alors que la situation militaire est redressée. Le vrai est que la Terreur fait partie de l’idéologie révolutionnaire, et que celle-ci, constitutive de l’action et de la politique de cette époque, surinvestit le sens des « circonstances » qu’elle contribue largement à faire naître. (p. 105)

François Furet, Penser la Révolution française, Gallimard, col. Folio histoire, Paris, 1978.


 

Toulon sous la Terreur

La ville de Toulon sous la Terreur, par Louis-Marie Prudhomme Au nom de l'idéologie « Liberté, Égalité, Fraternité »

C’est le très républicain Prudhomme qui nous livre cette enquête sur Toulon sous la Terreur. Alors que la 1re République livre le Pays à la délation et aux pires atrocités, les Toulonnais en appellent aux Anglais pour les libérer. L’armée révolutionnaire — qui vient d’anéantir Lyon — marche alors sur Toulon et triomphe facilement. Ivres […]

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Discours sur la Révolution par Alexandre Soljenitsyne aux Lucs-sur-Boulogne (1993)

Discours sur la Révolution par Alexandre Soljenitsyne aux Lucs-sur-Boulogne (1993) La Révolution, malheur des peuples

En 1978 le grand historien François Furet écrivait déjà : « l’œuvre de Soljenitsyne a posé partout la question du Goulag au plus profond du dessein révolutionnaire ; il est inévitable que l’exemple russe vienne frapper comme un boomerang son « origine » française […] Aujourd’hui le Goulag conduit à repenser la Terreur, en vertu d’une identité

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On tanne la peau humaine sous la Révolution Française

On tanne la peau humaine sous la Révolution Française Le corps humain marchandise

De l’Ancien Testament jusqu’à l’Antigone du Païen grec Sophocle, inhumer les morts constitue un devoir, une prescription divine. En effet, de même que l’âme, le corps est une partie de notre humanité, aussi les civilisations les plus primitives marquent-elles du respect envers les dépouilles des défunts. Pour le révolutionnaire matérialiste, l’homme n’est que matière :

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De la politique génocidaire de la 1re République française, par le communiste Gracchus Babeuf (1760-1797) Chapitre VII du livre « Du système de dépopulation ou la vie et les crimes de Carrier »

Fils de la modernité, le droit-de-l’hommisme provoque son premier génocide en 1793. Au nom de la liberté et de l’égalité, la Première République invente l’archétype du régime totalitaire : le gouvernement par la terreur. Ivres d’idéologie, des comités bureaucratiques décrètent à demi-mots des « populicides » en prenant soin de ne jamais s’impliquer directement et

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La prise de la Bastille le 14 Juillet 1789, par Frantz Funck-Brentano Des faits jusqu’au mythe

Les malheurs viennent souvent d’une autorité faible qui n’ose pas s’imposer pour établir la justice. Or les crimes impunis enhardissent la racaille qui terrorise la population et finit par régner en maîtresse. Ainsi Louis XVI laissa-t-il s’installer l’anarchie dans son Royaume. Brentano revient ici sur ces circonstances qui ont conduit au 14 juillet. « On

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Lyon, ville martyre de la 1re République, par Louis-Marie Prudhomme (1797) La terreur comme instrument de domination

Le texte suivant révèle en Louis-Marie Prudhomme (1752-1830) un journaliste très républicain et anti-clérical. Cependant, même partial, son récit décrit à son insu le mécanisme révolutionnaire qui conduit à la Terreur. En 1794, dans cette Première république française les gens sont jugés, non sur leurs actes, mais sur ce qu’ils sont — ou accusés être.

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Le mécanisme sociologique des sociétés de pensée Augustin Cochin et la genèse de la Révolution (III)

Pour expliquer le phénomène révolutionnaire et l’avènement des régimes totalitaires, la théorie du complot — telle que l’a formalisée l’abbé Augustin Barruel — est loin d’être satisfaisante. Augustin Cochin propose l’approche beaucoup plus rationnelle et terrible du mécanisme sociologique. Ainsi le rôle de sociétés secrètes, comme la Franc-Maçonnerie, s’inscrit-il dans le mouvement plus vaste des

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Les massacres de septembre, par Georges de Cadoudal Ou le "baptême" de sang de la République française

Fin août 1792, l’Assemblée législative souhaite dissoudre la Commune de Paris tant ses excès l’exaspèrent. C’est compter sans les F∴ Danton et Marat qui en ont besoin comme instrument de terreur pour poursuivre la Révolution. Ainsi Danton lui obtient-il encore plus de pouvoir grâce à un argument promis à un bel avenir : « la Patrie est

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Origines idéologiques du génocide vendéen, par Gracchus Babeuf (1760-1797) Chap. IV du livre « Du système de dépopulation ou la vie et les crimes de Carrier »

Babeuf révèle ici avec horreur le caractère programmé du « populicide » de la France par Robespierre. En effet, selon le gouvernement de la Ire République, notre pays était trop peuplé pour envisager un partage égal des richesses et réaliser ainsi l’idéologie du Contrat social de Rousseau. Il fallait donc le dépeupler grâce à un

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