Le Ta hio de Confucius expose la doctrine traditionnelle de la politique

Le Ta Hio, traité de politique et de morale naturelle, par Confucius (500 av. J.C.) Le programme politique de l’Aristote chinois

Comme un pied de nez aux Modernes, du fond des âges, Confucius rappelle les principes essentiels de la politique. Entre autres : Il existe une nature humaine que chaque homme doit accomplir en se conformant aux lois morales immuables et indépendantes de toute volonté humaine. L’autorité est un « mandat du Ciel » mais le chef ne garde sa légitimité que si son gouvernement vise à l’accomplissement de la nature humaine chez ses subordonnés. L’exercice de l’autorité réclame l’effort sur soi par la pratique de la vertu. Bien plus qu’un simple traité de sciences politiques, le Ta-Hio de Confucius expose le seul moyen efficace (avec la Grâce) pour restaurer la cité traditionnelle. [La Rédaction]

Introduction de VLR

Texte tiré du livre Doctrine de Confucius ou les quatre livres de philosophie morale et politique de la Chine, traduction M.G. Pauthier, Librairie Garnier Frères, Paris, 1921.

Chronologie des auteurs :

Confucius (500 av. J.C.) : nom latinisé de Khoung-Fou-Tseu ou Khoung-Tseu, auteur du Ta-Hio, aussi appelé King, ou Livre par excellence
Thseng-Tseu : disciple immédiat de Confucius et auteur de l’Explication (du Ta-Hio).
Meng-tseu (300 av. J.C.) : disciple de Confucius.
Tching-Tseu : auteur de l’Avertissement et du Commentaires sur le Ta-Hio.
Tchoû-Hî (1191 ap. J.C.) : auteur de la Préface du commentaire et de notes sur le Ta-Hio et l’Explication.


Préface du commentaire sur le Ta hio par le docteur Tchoû-Hî

L’âge d’or de la Chine ancienne [titre de VLR]

Le Livre de la Grande Étude est celui que, dans l’antiquité, on enseignait aux hommes dans le lieu de la Grande Étude (le Grand Collège impérial) et qu’on leur proposait comme ligne de conduite ; or, les hommes tirant du ciel leur origine, il en résulte qu’il n’en est aucun qui n’ait été doué par lui des sentiments de charité ou d’humanité, de justice, de convenance et de sagesse.

Cependant, quoique tous les hommes possèdent certaines dispositions naturelles et constitutives qu’ils ont reçues en naissant, il en est quelques-uns qui n’ont pas le pouvoir ou la faculté de les cultiver et de les bien diriger. C’est pourquoi ils ne peuvent pas tous avoir en eux les moyens de connaître les dispositions existantes de leur propre nature, et ceux de leur donner leur complet développement.

Il en est qui, possédant une grande perspicacité, une intelligence pénétrante, une connaissance intuitive, une sagesse profonde, peuvent développer toutes les facultés de leur nature ; et ils se distinguent au milieu de la foule qui les environne ; alors le ciel leur a certainement donné le mandat d’être les chefs et les instituteurs des générations infinies ; il les a chargés de la mission de les gouverner et de les instruire, afin de les faire retourner à la pureté primitive de leur nature.

Voilà comment [les anciens empereurs] Fou-hi, Chin-noung, Eoang-ti, Yao et Chun occupèrent successivement les plus hautes dignités que confère le ciel ; comment les ministres d’État furent attentifs à suivre et à propager leurs instructions, et d’où les magistrats qui président aux lois civiles et à la musique dérivèrent leurs enseignements.

Après l’extinction des trois premières dynasties, les institutions qu’elles avaient fondées s’étendirent graduellement. Ainsi, il arriva par la suite que, dans les palais des rois, comme dans les grandes villes et même jusque dans les plus petits villages, il n’y avait aucun lieu où l’on ne se livrât à l’étude.

Organisation de l’éducation [titre de VLR]

Dès que les jeunes gens avaient atteint l’âge de huit ans, qu’ils fussent les fils des rois, des princes ou de la foule du peuple, ils entraient tous à la Petite École, et là, on leur enseignait à arroser, à balayer, à répondre promptement et avec soumission à ceux qui les appelaient ou les interrogeaient ; à entrer et à sortir selon les règles de la bienséance ; à recevoir les hôtes avec politesse, et à les reconduire de même. On leur enseignait aussi les usages du monde et des cérémonies, la musique, l’art de lancer des flèches, de diriger des chars, ainsi que celui d’écrire et de compter.

Lorsqu’ils avaient atteint l’âge de quinze ans, tous, depuis l’héritier présomptif de la dignité impériale et tous les autres fils de l’empereur jusqu’aux fils des princes, des premiers ministres, des gouverneurs de provinces, des lettrés ou docteurs de l’empire promus à des dignités, ainsi que tous ceux d’entre les enfants du peuple qui brillaient par des talents supérieurs, entraient à la Grande École, et on leur enseignait les moyens de pénétrer et d’approfondir les principes des choses, de rectifier les mouvements de leur cœur, de se corriger, de se perfectionner eux-mêmes et de gouverner les hommes.

Voilà comment les doctrines que l’on enseignait dans les collèges étaient divisées en grandes et petites. Par cette division et cette composition des études, leur propagation s’étendit au loin, et le mode d’enseigner se maintint dans les limites de cet ordre de subordination ; c’est ce qui en fit un véritable enseignement.

En outre, toute la base de cette institution résidait dans la personne du prince, qui en pratiquait tous les devoirs. On ne demandait aucun salaire aux enfants du peuple, et on n’exigeait rien d’eux que ce dont ils avaient besoin pour vivre journellement. C’est pourquoi, dans ces âges passés, il n’y avait aucun homme qui ne se livrât à l’étude. Ceux qui étudiaient ainsi se gardaient bien de ne pas s’appliquer à connaître les dispositions naturelles que chacun d’eux possédait réellement, la conduite qu’il devait suivre dans les fonctions qu’il avait à remplir ; et chacun d’eux faisait ainsi tous ses efforts, épuisait toutes ses facultés, pour atteindre à sa véritable destination.

Voilà comment il est arrivé que, dans les temps florissants de la haute antiquité, le gouvernement a été si glorieux dans ceux qui occupaient les emplois élevés, les mœurs si belles, si pures dans les inférieurs, et pourquoi il a été impossible aux siècles qui leur ont succédé d’atteindre à ce haut degré de perfection.

Les temps de décadence et l’avènement de Confucius [titre de VLR]

Sur le déclin de la dynastie des Tchéou, lorsqu’il ne paraissait plus de souverains doués de sainteté et de vertu, les règlements des grandes et petites Écoles n’étaient plus observés ; les saines doctrines étaient dédaignées et foulées aux pieds ; les mœurs publiques tombaient en dissolution.

Ce fut à cette époque de dépravation générale qu’apparut avec éclat la sainteté de Khoung-Tseu [Confucius] ; mais il ne put alors obtenir des princes qu’ils le plaçassent dans les fonctions élevées de ministre ou instituteur des hommes, pour leur faire observer ses règlements et pratiquer sa doctrine. Dans ces circonstances, il recueillit dans la solitude les lois et institutions des anciens rois, les étudia soigneusement et les transmit [à ses disciples] pour éclairer les siècles à venir.

Les chapitres intitulés Khio-li, Chao-i, Neï-tse 1, concernent les devoirs des élèves, et appartiennent véritablement à la Petite Étude, dont ils sont comme des ruisseaux détachés ou des appendices ; mais, parce que les instructions concernant la Petite Étude [ou l’Étude propre aux enfants] avaient été complètement développées dans les ouvrages ci-dessus, le livre qui nous occupe a été destiné à exposer et rendre manifestes à tous les lois claires, évidentes, de la Grande Étude [ou l’Étude propre aux esprits mûrs].

En dehors du livre, et comme frontispice, sont posés les grands principes qui doivent servir de base à ces enseignements, et, dans le livre, ces mêmes principes sont expliqués et développés en paragraphes séparés. Mais, quoique dans une multitude de trois mille disciples il n’y en ait eu aucun qui n’eût souvent entendu les enseignements du maître, cependant le contenu de ce livre fut transmis à la postérité par les seuls disciples de Thseng-tseu, qui en avait reçu lui-même les maximes de son maître Khoung-Tseu, et qui, dans une Exposition concise, en avait expliqué et développé le sens.

Après la mort de Meng-tseu, il ne se trouva plus personne pour enseigner et propager cette doctrine des anciens ; alors, quoique le livre qui la contenait continuât d’exister, ceux qui la comprenaient étaient fort rares. Ensuite il est arrivé de là que, les lettrés dégénérés s’étant habitués à écrire des narrations, à compiler, à faire des discours élégants, leurs œuvres concernant la Petite Étude furent au moins doubles de celles de leurs prédécesseurs ; mais leurs préceptes différents furent d’un usage complètement nul.

Invasion des doctrines perverses de Lao-Tseu et de Bouddha [titre de VLR]

Les doctrines du Vide et de la Non-Entité 2, du Repos absolu et de l’Extinction finale3, vinrent ensuite se placer bien au-dessus de la Grande Étude ; mais elles manquaient de base véritable et solide.

Leur autorité, leurs prétentions, leurs artifices ténébreux, leurs fourberies, en un mot les discours de ceux qui les prêchaient pour s’attirer une renommée glorieuse et un vain nom, se sont répandus abondamment parmi les hommes ; de sorte que l’erreur, en envahissant le siècle, a abusé les peuples, et a fermé toute voie à la charité et à la justice.

Bien plus, le trouble et la confusion de toutes les notions morales sont sortis de leur sein ; au point que les sages mêmes ne pouvaient être assez heureux pour obtenir d’entendre et d’apprendre les devoirs les plus importants de la grande doctrine, et que les hommes du commun ne pouvaient également être assez heureux pour obtenir, dans leur ignorance, d’être éclairés sur les principes d’une bonne administration, tant les ténèbres de l’ignorance s’étaient épaissies et avaient obscurci les esprits !

Cette maladie s’était tellement augmentée, dans la succession des années ; elle était devenue tellement invétérée, qu’à la fin de l’époque des cinq dynasties [vers 950 de notre ère] le désordre et la confusion étaient au comble.

Renaissance de la civilisation avec l’enseignement de la vertu sous la dynastie Soung [titre de VLR]

Mais il n’arrive rien sur cette terre que le ciel ne ramène de nouveau dans le cercle de ses révolutions ; la dynastie des Soung s’éleva, et la vertu fut bientôt florissante ; les principes du bon gouvernement et l’éducation reprirent leur éclat. À cette époque, apparurent dans la province du Ho-nan deux docteurs de la famille Tching, lesquels, dans le dessein de transmettre à la postérité les écrits de Meng-tseu et de ses disciples, les réunirent et en formèrent un corps d’ouvrage.

Ils commencèrent d’abord par manifester une grande vénération pour ce livre [le Ta hio ou la Grande Étude], et ils le remirent en lumière, afin qu’il frappât les yeux de tous. À cet effet, ils le retirèrent du rang secondaire où il était placé 4, en mirent en ordre les matériaux, et lui rendirent ses beautés primitives.

Ensuite la doctrine qui avait été anciennement exposée dans le livre de la Grande Étude, pour instruire les hommes, le véritable sens du saint texte original [de Khoung-Tseu], et l’Explication de son sage disciple, furent de nouveau examinés et rendus au siècle, dans toute leur splendeur.

Testament du docteur Tchoû-Hî [titre de VLR]

Quoique moi, , je ne sois ni habile ni pénétrant, j’ai été assez heureux cependant pour retirer quelque fruit de mes propres études sur ce livre, et pour entendre la doctrine qui y est contenue. J’avais vu qu’il existait encore dans le travail des deux docteurs Tching des choses incorrectes, inégales, que d’autres en avaient été détachées ou perdues ; c’est pourquoi, oubliant mon ignorance et ma profonde obscurité, je l’ai corrigé et mis en ordre autant que je l’ai pu, en remplissant les lacunes qui y existaient, et en y joignant des notes pour faire saisir le sens et la liaison des idées 5 ; enfin, en suppléant ce que les premiers éditeurs et commentateurs avaient omis ou seulement indiqué d’une manière trop concise ; en attendant que, dans la suite des temps, il vienne un sage capable d’accomplir la tâche que je n’ai fait qu’effleurer.

Je sais parfaitement que celui qui entreprend plus qu’il ne lui convient n’est pas exempt d’encourir pour sa faute le blâme de la postérité. Cependant, en ce qui concerne le gouvernement des États, la conversion des peuples, l’amélioration des mœurs, celui qui étudiera mon travail sur le mode et les moyens de se corriger ou se perfectionner soi-même et de gouverner les hommes dira assurément qu’il ne lui aura pas été d’un faible secours.

Du règne nommé Chun-hi, année Kui-yeo [1191 de notre ère], second mois lunaire Kia-tseu, dans la ville de Sin-ngan, ou de la Paix nouvelle [vulgairement nommée Hœï-tchéou].

Avertissement du docteur Tching-Tseu

Le docteur Tching-tseu a dit : Le Ta hio [ou la Grande Étude] est un livre laissé par Khoung-tseu et son disciple [Thseng-tseu], afin que ceux qui commencent à étudier les sciences morales et politiques s’en servent comme d’une porte pour entrer dans le sentier de la sagesse. On peut voir maintenant que les hommes de l’antiquité, qui faisaient leurs études dans un ordre méthodique, s’appuyaient uniquement sur le contenu de ce livre ; et ceux qui veulent étudier le Lûn-yû et le Meng-tseu doivent commencer leurs études par le Ta hio ; alors ils ne courent pas le risque de s’égarer.

Le Ta hio de Khoung-Fou-Tseu (Confucius)

1. La loi de la Grande Étude, ou de la philosophie pratique, consiste à développer et remettre en lumière le principe lumineux de la raison que nous avons reçu du ciel, à renouveler les hommes, et à placer sa destination définitive dans la perfection, ou le souverain bien.

2. Il faut d’abord connaître le but auquel on doit tendre, ou sa destination définitive, et prendre ensuite une détermination ;
– la détermination étant prise, on peut ensuite avoir l’esprit tranquille et calme ;
– l’esprit étant tranquille et calme, on peut ensuite jouir de ce repos inaltérable que rien ne peut troubler ;
– étant parvenu à jouir de ce repos inaltérable que rien ne peut troubler, on peut ensuite méditer et se former un jugement sur l’essence des choses ;
– ayant médité et s’étant formé un jugement sur l’essence des choses, on peut ensuite atteindre à l’état de perfectionnement désiré.

3. Les êtres de la nature ont une cause et des effets : les actions humaines ont un principe et des conséquences : connaître les causes et les effets, les principes et les conséquences, c’est approcher très-près de la méthode rationnelle avec laquelle on parvient à la perfection.

4. Les anciens princes qui désiraient développer et remettre en lumière, dans leurs États, le principe lumineux de la raison que nous recevons du ciel, s’attachaient auparavant à bien gouverner leurs royaumes
– ceux qui désiraient bien gouverner leurs royaumes, s’attachaient auparavant à mettre le bon ordre dans leurs familles ;
– ceux qui désiraient mettre le bon ordre dans leurs familles, s’attachaient auparavant à se corriger eux-mêmes ;
– ceux qui désiraient se corriger eux-mêmes, s’attachaient auparavant à donner de la droiture à leur âme ;
– ceux qui désiraient donner de la droiture à leur âme, s’attachaient auparavant à rendre leurs intentions pures et sincères ;
– ceux qui désiraient rendre leurs intentions pures et sincères, s’attachaient auparavant à perfectionner le plus possible leurs connaissances morales :
– perfectionner le plus possible ses connaissances morales consiste à pénétrer et approfondir les principes des actions.

5. Les principes des actions étant pénétrés et approfondis, les connaissances morales parviennent ensuite à leur dernier degré de perfection ;
– les connaissances morales étant parvenues à leur dernier degré de perfection, les intentions sont ensuite rendues pures et sincères ;
– les intentions étant rendues pures et sincères, l’âme se pénètre ensuite de probité et de droiture ;
– l’âme étant pénétrée de probité et de droiture, la personne est ensuite corrigée et améliorée ;
– la personne étant corrigée et améliorée, la famille est ensuite bien dirigée ;
– la famille étant bien dirigée, le royaume est ensuite bien gouverné ;
– le royaume étant bien gouverné, le monde ensuite jouit de la paix et de la bonne harmonie.

6. Depuis l’homme le plus élevé en dignité, jusqu’au plus humble et plus obscur, devoir égal pour tous : corriger et améliorer sa personne ; ou le perfectionnement de soi-même est la base fondamentale de tout progrès et de tout développement moral.

7. Il n’est pas dans la nature des choses que ce qui a sa base fondamentale en désordre et dans la confusion, puisse avoir ce qui en dérive nécessairement, dans un état convenable.
Traiter légèrement ce qui est le principal ou le plus important, et gravement ce qui n’est que secondaire, est une méthode d’agir qu’il ne faut jamais suivre.6

L’Explication de Thseng-Tseu

Le King ou Livre par excellence, qui précède, ne forme qu’un chapitre ; il contient les propres paroles de Khoung-tseu, que son disciple Thseng-tseu a commentées dans les dix sections ou chapitres suivants, composés de ses idées recueillies par ses disciples.

Les tablettes en bambou des anciennes copies avaient été réunies d’une manière fautive et confuse ; c’est pour cela que Thseng-tseu détermina leur place, et corrigea en l’examinant la composition du livre. Par la disposition qu’il établit, l’ordre et l’arrangement ont été arrêtés comme il suit.

Chapitre 1 : Sur le devoir de développer et de rendre à sa clarté primitive le principe lumineux de notre raison

1. Le Khang-kao 7 dit :

Le roi Wen parvint à développer et faire briller dans tout son éclat le principe lumineux de la raison que nous recevons du ciel.

2. Le Taï-kia dit :

Le roi Tching-thang avait sans cesse les regards fixés sur ce don brillant de l’intelligence que nous recevons du ciel.

3. Le Ti-tien dit :

Yao put développer et faire briller dans tout son éclat le principe sublime de l’intelligence que nous recevons du ciel.

4. Tous ces exemples indiquent que l’on doit cultiver sa nature rationnelle et morale.

Voilà le premier chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par développer et remettre en lumière le principe lumineux de la raison que nous recevons du ciel.

Chapitre 2 : Sur le devoir de renouveler ou d’éclairer les peuples

1. Des caractères gravés sur la baignoire du roi Tching-than disaient :

Renouvelle-toi complètement chaque jour ; fais-le de nouveau, encore de nouveau, et toujours de nouveau.

2. Le Kang-hao dit :

Fais que le peuple se renouvelle.

3. Le Livre des Vers dit :

Quoique la famille des Tcheou possédât depuis longtemps une principauté royale,
Elle obtint du ciel (dans la personne de Wen-wang) une investiture nouvelle.

4. Cela prouve qu’il n’y a rien que le sage ne pousse jusqu’au dernier degré de la perfection.

Voilà le second chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par renouveler les peuples.

Chapitre 3 : Sur le devoir de placer sa destination définitive dans la perfection ou le souverain bien

1. Le Livre des Vers dit :

C’est dans un rayon de mille li (cent lieues) de la résidence royale, que le peuple aime à fixer sa demeure.

2. Le Livre des Vers dit :

L’oiseau jaune au chant plaintif, mien-mân,
Fixe sa demeure dans le creux touffu des montagnes.

Le philosophe [Khoung-tseu] a dit :

En fixant là sa demeure, il prouve qu’il connaît le lieu de sa destination ; et l’homme [la plus intelligente des créatures8] ne pourrait pas en savoir autant que l’oiseau !

3. Le Livre des Vers dit :

Que la vertu de Wæn-wang était vaste et profonde !
Comme il sut joindre la splendeur à la sollicitude la plus grande pour l’accomplissement de ses différentes destinations !

– Comme prince, il plaçait sa destination dans la pratique de l’humanité ou de la bienveillance universelle pour les hommes ;
– comme sujet, il plaçait sa destination dans les égards dus au souverain ;
– comme fils, il plaçait sa destination dans la pratique de la piété filiale ;
– comme père, il plaçait sa destination dans la tendresse paternelle ;
– comme entretenant des relations ou contractant, des engagements avec les hommes, il plaçait sa destination dans la pratique de la sincérité et de la fidélité9.

4. Le Livre des Vers dit :

Regarde là-bas sur les bords du Ki :
Oh ! qu’ils sont beaux et abondants les verts bambous !
Nous avons un prince orné de science et de sagesse10 ;
Il ressemble à l’artiste qui coupe et travaille l’ivoire,
À celui qui taille et polit, les pierres précieuses.
Oh ! qu’il paraît grave et silencieux !
Comme sa conduite est austère et digne !
Nous avons un prince orné de science et de sagesse ;
Nous ne pourrons jamais l’oublier !

5. Il ressemble à l’artiste qui coupe et travaille l’ivoire, indique l’étude ou l’application de l’intelligence à la recherche des principes de nos actions ;
il ressemble à celui qui taille et polit les pierres précieuses, indique le perfectionnement de soi-même.
– L’expression : Oh ! qu’il paraît grave et silencieux ! indique la crainte, la sollicitude qu’il éprouve pour atteindre à la perfection ;
comme sa conduite est austère et digne ! exprime combien il mettait de soin à rendre sa conduite digne d’être imitée.
Nous avons un prince orné de science et de sagesse ; nous ne pourrons jamais l’oublier ! indique cette sagesse accomplie, cette perfection morale que le peuple ne peut oublier.

6. Le Livre des Vers dit :

Comme la mémoire des anciens rois (Wen et Wou) est restée dans le souvenir des hommes !

Les sages et les princes, qui les suivirent, imitèrent leur sagesse et leur sollicitude pour le bien-être de leur postérité. Les populations jouirent en paix, par la suite, de ce qu’ils avaient fait pour leur bonheur, et elles mirent à profit ce qu’ils firent de bien et de profitable dans une division et une distribution équitables des terres 11. C’est pour cela qu’ils ne seront point oubliés dans les siècles à venir.

Voilà le troisième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par placer sa destination définitive dans la perfection ou le souverain bien 12.

Chapitre 4 : Sur le devoir de connaître et de distinguer les causes et les effets

Le Philosophe a dit : Je puis écouter des plaidoiries et juger des procès comme les autres hommes ; mais ne serait-il pas plus nécessaire de faire en sorte d’empêcher les procès ? Ceux qui sont fourbes et méchants, il ne faudrait pas leur permettre de porter leurs accusations mensongères et de suivre leurs coupables desseins. On parviendrait par là à se soumettre entièrement les mauvaises intentions des hommes. C’est ce qui s’appelle connaître la racine ou la cause.

Voilà le quatrième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par la racine et les branches ou la cause et les effets.

Chapitre 5 : Sur le devoir de perfectionner ses connaissances morales en pénétrant les principes des actions

1. Cela s’appelle, connaître la racine ou la cause.
2. Cela s’appelle, la perfection de la connaissance.

Voilà ce qui reste du cinquième chapitre du Commentaire.

Il expliquait ce que l’on doit entendre par perfectionner ses connaissances morales en pénétrant les principes des actions ; il est maintenant perdu. Il y a quelque temps, j’ai essayé de recourir aux idées de Tching-tseu [autre commentateur du Ta hio, un peu plus ancien que Tchou-hi] pour suppléer à cette lacune, en disant :

Les expressions suivantes du texte, perfectionner ses connaissances morales consiste à pénétrer le principe et la nature des, actions, signifient que si nous désirons perfectionner nos connaissances morales, nous devons nous livrer à une investigation profonde des actions, et scruter à fond leurs principes ou leur raison d’être ; car l’intelligence spirituelle de l’homme n’est pas évidemment incapable de connaître [ou est adéquate à la connaissance] ; et les êtres de la nature, ainsi que les actions humaines, ne sont pas sans avoir un principe, une cause ou une raison d’être 13.

Seulement ces principes, ces causes, ces raisons d’être n’ont pas encore été soumis à d’assez profondes investigations. C’est pourquoi la science des hommes n’est pas complète, absolue ; c’est aussi pour cela que la Grande Étude commence par enseigner aux hommes que ceux d’entre eux qui étudient la philosophie morale doivent soumettre à une longue et profonde investigation les êtres de la nature et les actions humaines, afin qu’en partant de ce qu’ils savent déjà des principes des actions, ils puissent augmenter leurs connaissances, et pénétrer dans leur nature la plus intime 14.

En s’appliquant ainsi à exercer toute son énergie, toutes ses facultés intellectuelles, pendant longtemps, on arrive un jour à avoir une connaissance, une compréhension intime des vrais principes des actions ; alors la nature intrinsèque et extrinsèque de toutes les actions humaines, leur essence la plus subtile, comme leurs parties les plus grossières, sont pénétrées ; et, pour notre intelligence ainsi exercée et appliquée par des efforts soutenus, tous les principes des actions deviennent clairs et manifestes.

Voilà ce qui est appelé la pénétration des principes des actions ; voilà ce qui est appelé la perfection des connaissances morales.

Chapitre 6 : Sur le devoir de rendre ses intentions pures et sincères

1. Les expressions, rendre ses intentions pures et sincères, signifient : Ne dénature point tes inclinations droites, comme celles de fuir une odeur désagréable, et d’aimer un objet agréable et séduisant. C’est ce qui est appelé la satisfaction de soi-même. C’est pourquoi le sage veille attentivement sur ses intentions et ses pensées secrètes.

2. Les hommes vulgaires qui vivent à l’écart et sans témoins commettent des actions vicieuses ; il n’est rien de mauvais qu’ils ne pratiquent. S’ils voient un homme sage qui veille sur soi-même, ils feignent de lui ressembler, en cachant leur conduite vicieuse et en faisant parade d’une vertu simulée. L’homme qui les voit est comme s’il pénétrait leur foie et leurs reins ; alors à quoi leur a-t-il servi de dissimuler ? C’est là ce que l’on entend par le proverbe : La vérité est dans l’intérieur ; la forme, à l’extérieur. C’est pourquoi le sage doit veiller attentivement sur ses intentions et ses pensées secrètes.

3. Thseng-tseu a dit : De ce que dix yeux le regardent, de ce que dix mains le désignent, combien n’a-t-il pas à redouter, ou à veiller sur lui-même !

4. Les richesses ornent et embellissent une maison, la vertu orne et embellit la personne ; dans cet état de félicité pure, l’âme s’agrandit, et la substance matérielle qui lui est soumise profite de même. C’est pourquoi le sage doit rendre ses intentions pures et sincères 15.

Voilà le sixième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par rendre ses intentions pures et Sincères.

Chapitre 7 : Sur le devoir de se perfectionner soi-même en pénétrant son âme de probité et de droiture

1. Ces paroles, se corriger soi-même de toutes passions vicieuses consiste à donner de la droiture à son âme veulent dire :
– Si l’âme est troublée par la passion de la colère, alors elle ne peut obtenir cette droiture ;
– si l’âme est livrée à la crainte, alors elle ne peut obtenir cette droiture ;
– si l’âme est agitée par la passion de la joie et du plaisir, alors elle ne peut obtenir cette droiture ;
– si l’âme est accablée par la douleur, alors elle ne peut obtenir cette droiture.

2. L’âme n’étant point maîtresse d’elle-même, on regarde et on ne voit pas ; on écoute et on n’entend pas ; on mange et on ne connaît point la saveur des aliments. Cela explique pourquoi l’action de se corriger soi-même de toute passions vicieuses consiste dans l’obligation de donner de la droiture à son âme.

Voilà le septième chapitre du Commentaire. Il explique ; ce que l’on doit entendre par se corriger soi-même de toute habitude, de toutes passions vicieuses, en donnant de la droiture à son âme 16.

Chapitre 8 : Sur le devoir de mettre le bon ordre dans sa famille en se perfectionnant soi-même

1. Ce que signifient ces mots, mettre le bon ordre dans sa famille consiste auparavant à se corriger soi-même de toutes passions vicieuses, le voici :
– Les hommes sont partiaux envers leurs parents et ceux qu’ils aiment ;
– ils sont aussi partiaux, ou injustes envers ceux qu’ils méprisent et qu’ils haïssent ;
– envers ceux qu’ils respectent et qu’ils révèrent, ils sont également partiaux, ou serviles ;
– ils sont partiaux ou trop miséricordieux 17 envers ceux qui inspirent la compassion et la pitié ;
– ils sont aussi partiaux, ou hautains envers ceux qu’ils traitent avec supériorité.

C’est pourquoi, aimer et reconnaître les défauts de ceux que l’on aime, haïr et reconnaître les bonnes qualités de ceux que l’on hait, est une chose bien rare sous le ciel 18.

2. De là vient le proverbe qui dit : Les pères ne veulent pas reconnaître les défauts de leurs enfants, et les laboureurs, la fertilité de leurs terres.

3. Cela prouve qu’un homme qui ne s’est pas corrigé lui-même de ses penchants injustes est incapable de mettre le bon ordre dans sa famille.

Voilà le huitième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par mettre le bon ordre dans sa famille, en se corrigeant soi-même de toute habitude, de toutes passions vicieuses.

Chapitre 9 : Sur le devoir de bien gouverner un État, en mettant le bon ordre dans sa famille

1. Les expressions du texte, pour bien gouverner un royaume, il est nécessaire de s’attacher auparavant à mettre le bon ordre dans sa famille, peuvent s’expliquer ainsi :

Il est impossible qu’un homme qui ne peut pas instruire sa propre famille, puisse instruire les hommes, C’est pourquoi le fils de prince 19, sans sortir de sa famille, se perfectionne dans l’art d’instruire et de gouverner un royaume.
– La piété filiale est le principe qui le dirige dans ses rapports avec le souverain ;
– la déférence est le principe qui le dirige dans ses rapports avec ceux qui sont plus âgés que lui ;
– la bienveillance la plus tendre est le principe qui le dirige dans ses rapports avec la multitude 20.

2. Le Khang-kao dit : Il est comme une mère qui embrasse tendrement son nouveau-né 21. Elle s’efforce de toute son âme à prévenir ses désirs naissants ; si elle ne les devine pas entièrement, elle ne se méprend pas beaucoup sur l’objet de ses vœux. Il n’est pas dans la nature qu’une mère apprenne à nourrir un enfant pour se marier ensuite.

3. Une seule famille, ayant de l’humanité et de la charité, suffira pour faire naître dans la nation ces mêmes vertus de charité et d’humanité ; une seule famille, ayant de la politesse et de la condescendance, suffira pour rendre une nation condescendante et polie ; un seul homme, le prince 22, étant avare et cupide, suffira pour causer du désordre dans une nation. Tel est le principe ou le mobile de ces vertus et de ces vices. C’est ce que dit le proverbe : Un mot perd l’affaire ; un homme détermine le sort d’un empire.

4. Yao et Chun gouvernèrent l’empire avec humanité, et le peuple les imita. Kie et Tcheou 23, gouvernèrent l’empire avec cruauté, et le peuple les imita. Ce que ces derniers ordonnaient était contraire à ce qu’ils aimaient, et le peuple ne s’y soumit pas. C’est pour cette raison que le prince doit lui-même pratiquer toutes les vertus et ensuite engager les autres hommes à les pratiquer. S’il ne les possède pas et ne les pratique pas lui-même, il ne doit pas les exiger des autres hommes. Que n’ayant rien de bon, rien de vertueux dans le cœur, on puisse être capable de commander aux hommes ce qui est bon et vertueux, cela est impossible et contraire à la nature des choses.

5. C’est pourquoi le bon gouvernement d’un royaume consiste dans l’obligation préalable de mettre le bon ordre dans sa famille.

6. Le Livre des Vers dit :

Que le pêcher est beau et ravissant !
Que son feuillage est fleuri et abondant !
Telle une jeune fiancée se rendant à la demeure de son époux,
Et se conduisant convenablement envers les personnes de sa famille !

Conduisez-vous convenablement envers les personnes de votre famille, ensuite vous pourrez instruire et diriger une nation d’hommes.

7. Le Livre des Vers dit :

Faites ce qui est convenable entre frères et sœurs de différents âges.

Si vous faites ce qui est convenable entre frères de différents âges, alors vous pourrez instruire de leurs devoirs mutuels les frères aînés et les frères cadets d’un royaume 24.

8. Le Livre des Vers dit :

Le prince dont la conduite est toujours pleine d’équité et de sagesse
Verra les hommes des quatre parties du monde imiter sa droiture.

Il remplit ses devoirs de père, de fils, de frère aîné et de frère cadet, et ensuite le peuple l’imite.

9. C’est ce qui est dit dans le texte : L’art de bien gouverner une nation consiste à mettre auparavant le bon ordre dans sa famille.

Voilà le neuvième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par bien gouverner le royaume, en mettant le bon ordre dans sa famille.

Chapitre 10 : Sur le devoir d’entretenir la paix et la bonne harmonie dans le monde, en bien gouvernant les royaumes

1. Les expressions du texte, faire jouir le monde de la paix et de l’harmonie consiste à bien gouverner son royaume, doivent être ainsi expliquées :
– Que celui qui est dans une position supérieure, ou le prince, traite ses père et mère avec respect, et le peuple aura de la piété filiale ;
– que le prince honore la supériorité d’âge entre les frères, et le peuple aura de la déférence fraternelle ;
– que le prince ait de la commisération pour les orphelins, et le peuple n’agira pas d’une manière contraire.

C’est pour cela que le prince a en lui la règle et la mesure de toutes les actions.

2. Ce que vous réprouvez dans ceux qui sont au-dessus de vous, ne le pratiquez pas envers ceux qui sont au-dessous ;
– ce que vous réprouvez dans vos inférieurs, ne le pratiquez pas envers vos supérieurs ;
– ce que vous réprouvez dans ceux qui vous précèdent, ne le faites pas à ceux qui vous suivent ;
– ce que vous réprouvez dans ceux qui vous suivent, ne le faites pas à ceux qui vous précèdent ;
– ce que vous réprouvez dans ceux qui sont à votre droite, ne le faites pas à ceux qui sont à votre gauche ;
– ce que vous réprouvez dans ceux qui sont à votre gauche, ne le faites pas à ceux qui sont à votre droite :

voilà ce qui est appelé la raison et la règle de toutes les actions.

3. Le Livre des Vers dit :

Le seul prince qui inspire de la joie
Est celui qui est le père et la mère du peuple !

Ce que le peuple aime, l’aimer ; ce que le peuple hait, le haïr : voilà ce qui est appelé être le père et la mère du peuple.

4. Le Livre des Vers dit :

Voyez au loin cette grande montagne du Midi,
Avec ses rochers escarpés et menaçants !
Ainsi, ministre Yn, tu brillais dans ta fierté !
Et le peuple te contemplait avec terreur !

Celui qui possède un empire ne doit pas négliger de veiller attentivement sur lui-même, pour pratiquer le bien et éviter le mal ; s’il ne tient compte de ces principes, alors la ruine de son empire en sera la conséquence 25.

5. Le Livre des Vers dit :

Avant que les princes de la dynastie des Yn [ou Chang] eussent perdu l’affection du peuple,
Ils pouvaient être comparés au Très-Haut.
Nous pouvons considérer dans eux
Que le mandat du ciel n’est pas facile à conserver.

Ce qui veut dire :
« Obtiens l’affection du peuple, et tu obtiendras l’empire ; Perds l’affection du peuple, et tu perdras l’empire 26. »

6. C’est pourquoi un prince doit, avant tout, veiller attentivement sur son principe rationnel et moral. S’il possède les vertus qui en sont la conséquence, il possédera le cœur des hommes ; s’il possède le cœur des hommes, il possédera aussi le territoire ; s’il possède le territoire, il en aura les revenus ; s’il en a les revenus, il pourra en faire usage pour l’administration de l’État. Le principe rationnel et moral est la base fondamentale ; les richesses ne sont que l’accessoire.

7. Traiter légèrement la base fondamentale ou le principe rationnel et moral, et faire beaucoup de cas de l’accessoire ou des richesses, c’est pervertir les sentiments du peuple et l’exciter par l’exemple au vol et aux rapines.

8. C’est pour cette raison que, si un prince ne pense qu’à amasser des richesses, alors le peuple, pour l’imiter, s’abandonne à toutes ses passions mauvaises ; si au contraire il dispose convenablement des revenus publics, alors le peuple se maintient dans l’ordre et la soumission.

9. C’est aussi pour cela que, si un souverain ou des magistrats publient des décrets et des ordonnances contraires à la justice, ils éprouveront une résistance opiniâtre à leur exécution et aussi par des moyens contraires à la justice ; s’ils acquièrent des richesses par des moyens violents et contraires à la justice, ils les perdront aussi par des moyens violents et contraires à la justice.

10. Le Khang-kao dit :

Le mandat du ciel qui donne la souveraineté à un homme, ne la lui confère pas pour toujours.

Ce qui signifie qu’en pratiquant le bien ou la justice, on l’obtient ; et qu’en pratiquant le mal ou l’injustice, on le perd.

11. Les Chroniques de Thsou disent :

La nation de Thsou ne regarde pas les parures en or et en pierreries comme précieuses ; mais pour elle, les hommes vertueux, les bons et sages ministres sont les seules choses qu’elle estime être précieuses.

12. Kieou-fan a dit :

Dans les voyages que j’ai faits au dehors, je n’ai trouvé aucun objet précieux ; l’humanité, et l’amitié pour ses parents, sont ce que j’ai trouvé seulement de précieux.

13. Le Thsin-tchi dit :

Que n’ai-je un ministre d’une droiture parfaite, quand même il n’aurait d’autre habileté qu’un cœur simple et sans passions ; il serait comme s’il avait les plus grands talents ! Lorsqu’il verrait des hommes de haute capacité, il les produirait, et n’en serait pas plus jaloux que s’il possédait leurs talents lui-même. S’il venait à distinguer un homme d’une vertu et d’une intelligence vastes, il ne se bornerait pas à en faire l’éloge du bout des lèvres, il le rechercherait avec sincérité et l’emploierait dans les affaires. Je pourrais me reposer sur un tel ministre du soin de protéger mes enfants, leurs enfants et le peuple. Quel avantage n’en résulterait-il pas pour le royaume 27 ?

Mais si un ministre est jaloux des hommes de talent, et que par envie il éloigne ou tienne à l’écart ceux qui possèdent une vertu et une habileté éminentes, en ne les employant pas dans les charges importantes, et en leur suscitant méchamment toutes sortes d’obstacles, un tel ministre, quoique possédant des talents, est incapable de protéger mes enfants, leurs enfants et le peuple. Ne pourrait-on pas dire alors que ce serait un danger imminent, propre à causer la ruine de l’empire ?

14. L’homme vertueux et plein d’humanité peut seul éloigner de lui de tels hommes, et les rejeter parmi les barbares des quatre extrémités de l’empire, en ne leur permettant pas d’habiter dans le royaume du milieu.
Cela veut dire que l’homme juste et plein d’humanité seul est capable d’aimer et de haïr convenablement les hommes 28.

15. Voir un homme de bien et de talent, et ne pas lui donner de l’élévation ; lui donner de l’élévation et ne pas le traiter avec toute la préférence qu’il mérite, c’est lui faire injure. Voir un homme pervers et ne pas le repousser ; le repousser et ne pas l’éloigner à une grande distance, c’est une chose condamnable pour un prince.

16. Un prince qui aime ceux qui sont l’objet de la haine générale, et qui hait ceux qui sont aimés de tous, fait ce que l’on appelle un outrage à la nature de l’homme. Des calamités redoutables atteindront certainement un tel prince.

17. C’est en cela que les souverains ont une grande règle de conduite à laquelle ils doivent se conformer ; ils l’acquièrent, cette règle, par la sincérité et la fidélité ; et ils la perdent par l’orgueil et la violence.

18. Il y a un grand principe pour accroître les revenus (de l’État ou de la famille). Que ceux qui produisent ces revenus soient nombreux, et ceux qui les dissipent, en petit nombre ; que ceux qui les font croître par leur travail se donnent beaucoup de peine, et que ceux qui les consomment le fassent avec modération ; alors, de cette manière, les revenus seront toujours suffisants 29.

19. L’homme humain et charitable acquiert de la considération à sa personne, en usant généreusement de ses richesses ; l’homme sans humanité et sans charité augmente ses richesses aux dépens de sa considération,

20. Lorsque le prince aime l’humanité et pratique la vertu, il est impossible que le peuple n’aime pas la justice ; et lorsque le peuple aime la justice, il est impossible que les affaires du prince n’aient pas une heureuse fin ; il est également impossible que les impôts dûment exigés ne lui soient pas exactement payés.

21. Meng-hien-tseu 30 a dit : Ceux qui nourrissent des coursiers et possèdent des chars à quatre chevaux n’élèvent pas des poules et des pourceaux, qui sont le gain des pauvres. Une famille qui se sert de glace dans la cérémonie des ancêtres ne nourrit pas des bœufs et des moutons. Une famille de cent chars, ou un prince, n’entretient pas des ministres qui ne cherchent qu’à augmenter les impôts pour accumuler des trésors. S’il avait des ministres qui ne cherchassent qu’à augmenter les impôts pour amasser des richesses, il vaudrait mieux qu’il eût des ministres ne pensant qu’à dépouiller le trésor du souverain. — Ce qui veut dire que ceux qui gouvernent un royaume ne doivent point faire leur richesse privée des revenus publics ; mais qu’ils doivent faire de la justice et de l’équité leur seule richesse.

22. Si ceux qui gouvernent les États ne pensent qu’à amasser des richesses pour leur usage personnel, ils attireront indubitablement auprès d’eux des hommes dépravés ; ces hommes leur feront croire qu’ils sont des ministres vertueux, et ces hommes dépravés gouverneront le royaume. Mais l’administration de ces ministres appellera sur le gouvernement les châtiments divins et les vengeances du peuple. Quand les affaires publiques sont arrivées à ce point, quels ministres, fussent-ils les plus justes et les plus vertueux, détourneraient de tels malheurs ? Ce qui veut dire que ceux qui gouvernent un royaume ne doivent point faire leur richesse privée des revenus publics, mais qu’ils doivent faire de la justice et de l’équité leur seule richesse.

Voilà le dixième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l’on doit entendre par faire jouir le monde de la paix et de l’harmonie, en bien gouvernant l’empire 31.

L’Explication tout entière consiste en dix chapitres. Les quatre premiers chapitres exposent l’ensemble général de l’ouvrage et en montrent le but. Les six autres chapitres exposent plus en détail les diverses branches du sujet de l’ouvrage. Le cinquième chapitre enseigne le devoir d’être vertueux et éclairé. Le sixième chapitre pose la base fondamentale du perfectionnement de soi-même. Ceux qui commencent l’élude de ce livre doivent faire tous leurs efforts pour surmonter les difficultés que ce chapitre présente à sa parfaite intelligence ; ceux qui le lisent ne doivent pas le regarder comme très facile à comprendre et en faire peu de cas.

  1. Chapitres du Li-ki, ou Livre des Rites
  2. Celle des Tao-sse, qui a Lao-tseu pour fondateur.
  3. Celle des Bouddhistes, qui a Fo ou Bouddha pour fondateur.
  4. Il formait un des chapitres du Li-ki.
  5. Il ne faudrait pas croire que cet habile commentateur ait fait des changements au texte ancien du livre ; il n’a fait que transposer quelquefois des chapitres de l’Explication, et suppléer par des notes aux lacunes des mots ou des idées, mais il a eu toujours soin d’en avertir dans le cours de l’ouvrage ; et ses additions explicatives sont imprimées en plus petits caractères ou en lignes plus courtes que celles du texte primitif.
  6. Le texte entier de l’ouvrage consiste en quinze cent quarante-six caractères. Toute l’Exposition [de Thseng-tseu] est composée de citations variées qui servent de commentaire au King [ou texte original de Khoung-tseu], lorsqu’il n’est pas complètement narratif. Ainsi les principes posés dans le texte sont successivement développés dans un enchaînement logique. Le sang circule bien partout dans les veines. Depuis le commencement jusqu’à la fin, le grave et le léger sont employés avec beaucoup d’art et de finesse. La lecture de ce livre est agréable et pleine de suavité. On doit le méditer longtemps et l’on ne parviendra même jamais à en épuiser le sens. (Note du commentateur.)
  7. Le Khang-kao avec le Taï-kia et le Ti-tien forment aujourd’hui des chapitres du Chou-king, Voir notre Introduction.
  8. C’est l’explication que donne le Ji-kiang, en développant le commentaire laconique de Tchou-hi : « L’homme est de tous les êtres le plus intelligent ; s’il ne pouvait pas choisir le souverain bien pour s’y fixer, c’est qu’il ne serait pas même aussi intelligent que l’oiseau. »
  9. Le Ji-kiang s’exprime ainsi : « Tchou-tseu dit : « Chaque homme possède en soi le principe de sa destination obligatoire ou de ses devoirs de conduite, et, atteindre à sa destination, est du dàçjn evoir du saint homme« . »
  10. Tcheou-Koung qui vivait en 1150 avant notre ère ; l’un des plus sages et des plus savants hommes qu’ait eus la Chine.
  11. C’est l’explication que donnent de ce passage plusieurs commentateurs : « Par le partage des champs labourables et leur distribution en portions d’un li (un 10e de lieue carrée), chacun eut de quoi s’occuper et s’entretenir habituellement ; c’est là le profit qu’ils en ont tiré. » (Ho-kiang.)
  12. Dans ce chapitre sont faites plusieurs citations du Livre des Vers, qui seront continuées dans les suivants. Les anciennes éditions sont fautives à cet endroit. Elles placent ce chapitre après celui sur le devoir de rendre ses intentions pures et sincères, (Tchou-hi.)
  13. Le Ji-kiang s’exprime ainsi sur ce passage : « Le cœur ou le principe pensant de l’homme est éminemment immatériel, éminemment intelligent ; il est bien loin d’être dépourvu de tout savoir naturel, et toutes les actions humaines sont bien loin de ne pas avoir une cause ou une raison d’être, également naturelle. »
  14. Le Commentaire Ho-kiang s’exprime ainsi : « Il n’est pas dit [dans le texte primitif] qu’il faut chercher à connaître, à scruter profondément les principes, les causes ; mais il est dit qu’il faut chercher à apprécier parfaitement les actions : en disant qu’il faut chercher à connaître, à scruter profondément les principes les causes, alors on entraîne facilement l’esprit, dans un chaos d’incertitudes inextricables ; en disant qu’il faut chercher à apprécier parfaitement les actions, alors on conduit l’esprit à la recherche de la vérité. » Pascal a dit : « C’est une chose étrange que les hommes aient voulu comprendre les principes des choses, et arriver jusqu’à connaître tout ! car il est, sans doute qu’on ne peut former ce dessein sans une présomption ou sans une capacité infinie comme la nature. »
  15. « Il est dit dans le King : Désirant rendre leurs intentions pures et sincères, ils s’attachaient d’abord à perfectionner au plus haut degré leurs connaissances morales. Il est encore dit : Les connaissances morales étant portées au plus haut degré, les intentions sont ensuite rendues pures et sincères. Or l’essence propre de l’intelligence est d’être éclairée ; s’il existe en elle des facultés qui ne soient pas encore développées, alors ce sont ces facultés qui sont mises au jour par le perfectionnement des connaissances morales ; il doit donc y avoir des personnes qui ne peuvent pas véritablement faire usage de toutes leurs facultés, et qui, s’il en est ainsi, se trompent elles-mêmes. De cette manière, quelques hommes sont éclairés par eux-mêmes, et ne font aucun effort pour devenir tels ; alors ce sont ces hommes qui éclairent les autres ; en outre, ils ne cessent pas de l’être, et ils n’aperçoivent aucun obstacle qui puisse les empêcher d’approcher de la vertu. C’est pourquoi ce chapitre sert de développement au précédent, pour rendre cette vérité évidente. Ensuite il y aura à examiner le commencement et la fin de l’usage des facultés, et à établir que leur ordre ne peut pas être troublé, et que leurs opérations ne peuvent pas manquer de se manifester. C’est ainsi que le philosophe raisonne. » (Tchou-hi.)
  16. Ce chapitre se rattache aussi au précédent, afin d’en lier le sens à celui du chapitre suivant. Or, les intentions étant rendues pures et sincères, alors la vérité est sans mélange d’erreur, le bien sans mélange de mal, et l’on possède véritablement la vertu. Ce qui peut la conserver dans l’homme, c’est le cœur ou la faculté intelligente dont il est doué pour dompter ou maintenir son corps. Quelques-uns ne savent-ils pas seulement rendre leurs intentions pures et sincères, sans pouvoir examiner soigneusement les facultés de l’intelligence qui sait les conserver telles ? alors ils ne possèdent pas encore la vérité intérieurement, et ils doivent continuer à améliorer, à perfectionner leurs personnes. Depuis ce chapitre jusqu’à la fin, tout est parfaitement conforme aux anciennes éditions. (Tchou-hi)
  17. C’est le sens que donnent les commentateurs chinois. L’Explication du Kiang-i-pi-tchi dit : « Envers les hommes qui sont dans la peine et la misère, qui sont épuisés par la souffrance, quelques-uns s’abandonnent à une excessive indulgence, et ils sont partiaux. »
  18. Le Ji-kiang s’exprime ainsi sur ce chapitre : « Thseng-tseu dit : Ce que le saint Livre (le texte de Khoukg-tseu) appelle mettre le bon ordre dans sa famille, consiste auparavant à se corriger soi-même de toutes passions vicieuses, signifie : Que la personne étant le fondement, la base de la famille, celui qui veut mettre le bon ordre dans sa famille doit savoir que tout consiste dans les sentiments d’amitié et d’aversion, d’amour et de haine qui sont en nous, et qu’il s’agit seulement de ne pas être partial et injuste dans l’expression de ces sentiments. L’homme se laisse toujours naturellement entraîner aux sentiments qui naissent en lui et, s’il est dans le sein d’une famille, il perd promptement la règle de ses devoirs naturels. C’est pourquoi, dans ce qu’il aime et dans ce qu’il hait, il arrive aussitôt à la partialité et à l’injustice, et sa personne n’est point corrigée et améliorée. »
  19. La glose du Kiang-i-pi-tchi dit que c’est le fils d’un prince possédant un royaume qui est ici désigné.
  20. En dégageant complètement la pensée du philosophe de sa forme chinoise, on voit qu’il assimile le gouvernement de l’État à celui de la famille, et qu’à ses yeux celui qui possède toutes les vertus exigées d’un chef de famille possède également toutes les vertus exigées d’un souverain. C’est aussi ce que dit le Commentaire impérial Ji-kiang : « Ces trois vertus : la piété filiale, la déférence envers les frères aînés, la bienveillance ou l’affection pour ses parents, sont des vertus avec lesquelles le prince orne sa personne, tout en instruisant sa famille ; elles sont généralement la source des bonnes mœurs, et en les étendant, en en faisant une grande application, on en fait par conséquent la règle de toutes ses actions. Voilà comment le fils du prince, sans sortir de sa famille, se forme dans l’art d’instruire et de gouverner un royaume. »
  21. Le Commentaire impérial (Ji-kiang) s’exprime ainsi sur ce passage : « Autrefois Wou-wang écrivit un livre pour donner des avertissements à Kang-chou (son frère cadet, qu’il envoyait gouverner un État dans la province du Ho-nan) ; il dit : Si l’on exerce les fonctions de prince, il faut aimer, chérir les cent familles (tout le peuple chinois) comme une tendre mère aime et chérit son jeune enfant au berceau. Or, dans les premiers temps que son jeune enfant vient de naître, chaque mère ne peut pas apprendre par des paroles sorties de sa bouche ce que l’enfant désire ; la mère qui, par sa nature, est appelée à lui donner tous ses soins et à ne le laisser manquer de rien, s’applique avec la plus grande sincérité du cœur, et beaucoup plus souvent qu’il est nécessaire, à chercher à savoir ce qu’il désire, et elle le trouve ensuite. Il faut qu’elle cherche à savoir ce que son enfant désire, et quoiqu’elle ne puisse pas toujours réussir à deviner tous ses vœux, cependant son cœur est satisfait, et le cœur de son enfant doit aussi être satisfait ; ils ne peuvent pas s’éloigner l’un de l’autre. Or, le cœur de cette mère, qui chérit ainsi son jeune enfant au berceau, le fait naturellement et de lui-même ; toutes les mères ont les mêmes sentiments maternels, elles n’ont pas besoin d’attendre qu’on les instruise de leur devoir pour pouvoir ainsi aimer leurs enfants. Aussi n’a-t-on jamais vu dans le monde qu’une jeune femme apprenne d’abord les règles des soins à donner à un jeune enfant au berceau, pour se marier ensuite. Si l’on sait une fois que les tendres soins qu’une mère prodigue à son jeune enfant lui sont inspirés par ses sentiments naturels, on peut savoir également que ce sont les mêmes sentiments de tendresse naturelle qui doivent diriger un prince dans ses rapports avec la multitude. N’en est-il pas de même dans ses rapports avec le souverain et avec ses aînés ? Alors, c’est ce qui est dit que, sans sortir de sa famille, on peut se perfectionner dans l’art d’instruire et de gouverner un royaume. »
  22. Par un seul homme on indique le prince. (Glose.)
  23. On peut voir ce qui a été dit de ces souverains de la Chine, dans le Résumé de l’histoire et de la civilisation chinoises depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, par Lauthier (édition Migne), pages 33 et suivantes, et pages 61, 70. On peut aussi y recourir pour toutes les autres informations historiques que nous n’avons pas cru devoir reproduire ici.
  24. Dans la politique de ces philosophes chinois, chaque famille est une nation ou État en petit, et toute nation ou tout État n’est qu’une grande famille : l’une et l’autre doivent être gouvernés par les mêmes principes de sociabilité et soumis aux mêmes devoirs. Ainsi, comme un homme qui ne montre pas de vertus dans sa conduite et n’exerce point d’empire sur ses passions n’est pas capable de bien administrer une famille, de même un prince qui n’a pas les qualités qu’il faut pour bien administrer une famille, est également incapable de bien gouverner une nation. Ces doctrines ne sont point constitutionnelles, parce qu’elles sont en opposition avec la doctrine que le chef de l’État règne et ne gouverne pas, et qu’elles lui attribuent un pouvoir exorbitant sur ses sujets, celui d’un père sur ses enfants, pouvoir dont les princes, en Chine, sont aussi portés à abuser que partout ailleurs ; mais, d’un autre côté, ce caractère d’assimilation au père de famille leur impose des devoirs qu’ils trouvent quelquefois assez gênants pour se décider à les enfreindre ; alors, d’après la même politique, les membres de la grande famille ont le droit, sinon toujours la force, de déposer les mauvais rois qui ne gouvernent pas en vrais pères de famille. On en a vu des exemples.
  25. On veut dire [dans ce paragraphe] que celui qui est dans la position la plus élevée de la société [le souverain] ne doit pas ne pas prendre en sérieuse considération ce que les hommes ou les populations demandent et attendent de lui ; s’il ne se conformait pas dans sa conduite aux droites règles de la raison, et qu’il se livrât de préférence aux actes vicieux [aux actions contraires à l’intérêt du peuple] en donnant un libre cours à ses passions d’amitié et de haine, alors sa propre personne serait exterminée, et le gouvernement périrait ; c’est là la grande ruine de l’empire [dont il est parlé dans le texte] (Tchou-hi).
  26. Le Ho-kiang dit à ce sujet : « La fortune du prince dépend du ciel, et la volonté du ciel existe dans le peuple. Si le prince obtient l’affection et l’amour du peuple, le Très-Haut le regardera avec complaisance et affermira son trône ; mais s’il perd l’affection et l’amour du peuple, le Très-Haut le regardera avec colère, et il perdra son royaume. »
  27. On voit par ces instructions de Mou-koung, prince du petit royaume de Thsin, tirées du Chou-king, quelle importance on attachait déjà en Chine, 650 ans avant notre ère, au bon choix des ministres, pour la prospérité et le bonheur d’un État. Partout l’expérience éclaire les hommes ! Mais, malheureusement, ceux qui les gouvernent ne savent pas ou ne veulent pas toujours en profiter.
  28. « Je n’admire point un homme qui possède une vertu dans toute sa perfection, s’il ne possède en même temps, dans un pareil degré, la vertu opposée, tel qu’était Epaminondas, qui avait l’extrême valeur jointe à l’extrême bénignité ; car autrement ce n’est pas monter, c’est tomber. On ne montre pas sa grandeur pour être en une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois, et remplissant tout l’entre-deux. » (Pascal)
  29. Liu-chi a dit : « Si, dans un royaume, le peuple n’est pas paresseux et avide d’amusements, alors ceux qui produisent les revenus sont nombreux ; si la cour n’est pas son séjour de prédilection, alors ceux qui mangent ou dissipent ces revenus sont en petit nombre ; si on n’enlève pas aux laboureurs le temps qu’ils consacrent à leurs travaux, alors ceux qui travaillent, qui labourent et qui sèment se donneront beaucoup de peine pour faire produire la terre ; si l’on a soin de calculer ses revenus pour régler sur eux ses dépenses, alors l’usage que l’on en fera sera modéré. »
  30. Meng-hien-iseu était un sage Ta-fou, ou mandarin, du royaume de Lou, dont la postérité s’est éteinte dans son second petit-fils. : Ceux qui nourrissent des coursiers et possèdent des chars à quatre chevaux, ce sont les mandarins ou magistrats civils, Ta-fou, qui passent les premiers examens des lettrés à des périodes fixes. Une famille qui se sert de glace dans la cérémonie des ancêtres, ce sont les grands de l’ordre supérieur nommés King, qui se servaient de glace dans les cérémonies funèbres qu’ils faisaient en l’honneur de leurs ancêtres. Une famille de cent chars, ce sont les grands de l’État qui possédaient des fiefs séparés dont ils tiraient les revenus, Le prince devrait plutôt perdre ses propres revenus, ses propre richesses, que d’avoir des ministres qui fissent éprouver des vexations et des dommages au peuple. C’est pourquoi il vaut mieux que [le prince] ait des ministres qui dépouillent le trésor du souverain, que des ministres qui surchargent le peuple d’impôts pour accumuler des richesses.
  31. « Le sens de ce chapitre est qu’il faut faire tous ses efforts pour être d’accord avec le peuple dans son amour et son aversion, ou partager ses sympathies, et qu’il ne faut pas s’appliquer uniquement à faire son bien-être matériel, Tout cela est relatif à la règle de conduite la plus importante que l’on puisse s’imposer. Celui qui peut agir ainsi traite alors bien les sages, se plait dans les avantages qui en résultent ; chacun obtient ce à quoi il peut prétendre, et le monde vit dans la paix et l’harmonie. » (glose.) Thoung-yang-hiu-chi a dit : « Le grand but, le sens principal de ce chapitre signifie que le gouvernement d’un empire consiste dans l’application des règles de droiture et d’équité naturelles que nous avons en nous, à tous les actes de gouvernement, ainsi qu’au choix des hommes que l’on emploie, qui, par leur bonne ou mauvaise administration, conservent ou perdent l’empire. Il faut que dans ce qu’ils aiment et dans ce qu’ils haïssent ils se conforment toujours au sentiment du peuple. »
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