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Brève histoire de la pensée légitimiste

ou la tradition en politique

mardi 6 mai 2008, par MabBlavet

Le mouvement légitimiste est, dans son essence, le plus ancien courant politique de notre pays puisqu’il remonte à Clovis. Il défend cette monarchie qui ― durant treize siècle ― a construit la France dans l’amour réciproque des peuples et de leur roi. La pensée légitimiste est la seule authentiquement traditionnelle car elle n’emprunte rien aux idéologies, toutes issues de la Révolution.

Introduction à la pensée légitimiste

Pour des royalistes, poser le problème politique uniquement sous l’angle institutionnel Monarchie/République, n’est pas satisfaisant.
Il est vrai que seule l’institution monarchique assure la pérennité de l’autorité politique, et de fait la continuité d’une politique dans un pays : c’est ce qui fit dire à S.S. Pie VI que « la monarchie était en théorie la meilleure forme de gouvernement » (Déclaration du 17 Juin 1793).

Cependant, le pouvoir quasi absolu d’un seul n’est pas le propre de la monarchie, loin de là : la république (Ve du nom) nous offre le spectacle d’un régime républicain ― donc de nature instable ― qui a voulu pallier ses défaillances chroniques par l’institution gaullienne d’une dictature plébiscitaire.

Cette dictature est nécessairement plus oppressive que l’Ancien Régime dans lequel des catégories de français structurées les (corps intermédiaires) gouvernant leurs intérêts catégoriels comme des corps sociaux organisés, concourraient presque toujours à l’intérêt général (au besoin avec l’arbitrage suprême du roi). Aujourd’hui, le pouvoir central se mêle de toutes choses, gouverne tout et tout seul, donc gouverne mal.

La légitimité politique se définit historiquement par le respect des lois fondamentales de France, le serment du Sacre, et l’application d’une politique légitime. Ainsi, Clovis devient en 496, le seul roi légitime parmi les rois barbares du fait de son baptême et non de sa force. Le baptême, la légitimité dynastique, ne suffisent pas : encore faut-il une politique légitime. C’est le grand message d’Henri V, qui n’a pas voulu être le souverain légitime de la Révolution (c’est le sens de son refus symbolique du drapeau tricolore).

La marque politique de l’Ancienne France, ce avec quoi la Révolution a opéré une rupture, c’est la conduite d’une politique dominée par le Droit naturel et chrétien. Si aujourd’hui, nous descendons dans l’arène politique comme royalistes, c’est pour faire triompher ce Droit naturel et chrétien, au sein du mouvement légitimiste et armés de l’immense héritage de la pensée de la monarchie traditionnelle française transmise par nos pères depuis Clovis.

La vie en France avant 1789

La société de la France monarchique a, bien sûr, connu diverses mutations : du Moyen Age à la Renaissance, de la Renaissance à l’Absolutisme et à la Réforme, et de la Réforme à la Révolution bourgeoise de 1789.
Cependant, cette société conservait des traits majeurs dans son développement historique : l’attachement privilégié à l’Église catholique romaine faisait de la France la Fille aînée de l’Église ; les princes détenant leur légitimité du sacre, ne pouvaient la conserver qu’en exerçant une politique respectueuse des droits de Dieu (l’excommunication papale et la désobéissance des sujets auraient sanctionné tout manquement à ce devoir) ; une conception chrétienne de l’Homme conduisait indirectement la politique.

Les corps intermédiaires, arbitrés par le souverain, régissaient la sphère d’activité de leurs membres : ils œuvraient pour le bien de leur communauté, mais aussi pour le bien commun, puisqu’ils se plaçaient sous le patronage de l’Église (leurs décisions étaient toujours marquées par cette inspiration).

Ces données sont aisément vérifiables dans la vie des corporations : protégeant son métier, la corporation ne manquait jamais, dans son éthique et dans sa pratique, de sauvegarder les intérêts des consommateurs et des usagers, au travers d’une réglementation très stricte de l’exercice des métiers.

On pourrait exposer encore ici, la vie des autres corps intermédiaires : provinces, communes, sociétés diverses (qu’on appellerait aujourd’hui associations) et la vie de la famille, le seul corps naturel avec la société politique.

En fait, dans la société héritée du Moyen Age, nous sommes en présence d’une communauté réglée par seulement quelques principes (le Décalogue chrétien, notamment), d’une vie sociale particulièrement harmonieuse, hiérarchisée, ou chacun (y compris le souverain), était dépendant de l’ensemble de la communauté et de son bien commun.

L’École des néo-monarchistes (de la fin XVIIIe. à la fin XIXe)

C’est à partir de 1789, et de l’absence cruelle de cette société harmonieuse, que des royalistes vont approfondir les principes qui la fondaient, et commencer à les mettre en forme. Jusques alors ces principes étaient tellement naturels, tellement évidents que l’on se contentait de les vivre (comme il est naturel de respirer l’air), sans éprouver le besoin de les expliciter.

Edmund BURKE (1729-1797) : cet anglais, libéral de formation, réagit contre les idées des lumières, la théorie des Droits de l’Homme, qui reflète l’abstraction et la désincarnation des institutions. L’idée de souveraineté du peuple lui apparait chimérique. S’opposant avec énergie à la distinction état de nature/état de raison de Rousseau, il pense que l’Homme ne peut être abstrait des conditions concrètes de son évolution. Il dénonce le rationalisme agnostique des lumières. Il perçoit dans la Révolution Française le germe d’une grande déstabilisation pour toute l’Europe chrétienne : il ne se trompa guère.

Louis de BONALD (1754-1840) s’attache plus particulièrement à dénoncer l’idée d’une souveraineté du peuple : selon lui, l’autorité politique est analogue à l’autorité paternelle. Il en découle que la souveraineté du peuple à l’égal de la souveraineté des enfants, ne fait qu’engendrer le désordre. Les souverainetés du Prince et du père sont nécessairement tempérées par l’amour qui légitime leur autorité (le pouvoir absolu n’étant pas le pouvoir arbitraire).

Joseph de MAISTRE (1753-1821) considère, comme Bonald, que le pouvoir absolu qui coiffe la pyramide aristocratique (naturelle au gouvernement des hommes) est tempérée par son essence divine, sa légitimité catholique (le Prince gouverne sous l’œil de Dieu, des clercs et des fidèles obéissant par Dieu et pour Dieu).

Le positivisme de l’Action Française.

Après Maistre et Bonald, ce fut une longue “traversée du désert” pour la pensée royaliste (si l’on excepte Blanc de Saint-Bonnet, qui s’éteignit en 1880, et dont on parlera dans le paragraphe suivant).
À la fin du XIXe siècle, apparut l’Action Française, dirigée par Maurras, et qui connut un grand succès jusque dans les années Trente.

La démarche maurrassienne est marginale dans la tradition monarchique : épris de sentiments nationalistes, il prônera finalement la monarchie comme cadre institutionnel d’une politique ultra nationaliste (la monarchie offrant la permanence et l’indépendance nécessaires à une politique efficace). Il s’efforcera de plier la monarchie chrétienne à ses desseins nationalistes, d’où toute une série d’attitudes ambiguës.

Attaché à sa Provence natale et à ses origines civilisatrices (Grèce, Rome), Maurras était avant tout imprégné d’esprit païen (voir l’esprit des Cahiers Gris de l’A.F. naissante).

Ce qui lui plaisait en la monarchie était l’image de Louis XIV, qu’il comparait à Péricles. Il eut aimé que ce grand roi substituât son règne à celui de Dieu (culte du “Roi-Soleil”). Il concevait, en conséquence, la religion comme le soutien nécessaire au pouvoir (et non comme un fondement de sa légitimité). C’est la raison qui lui faisait préférer une Église nationale (risque de “gallicanisme”), à l’Église universelle qui impose la soumission des souverains à l’autorité spirituelle romaine.

Le combat de l’A.F. était donc avant tout nationaliste.
La xénophobie (la haine de l’Allemand), ne pouvait en rien se rattacher à l’héritage monarchique. Ce nationalisme intégral se heurte aux conceptions transnationales de la monarchie chrétienne : pas plus que l’Homme, la Nation ou l’État ne sauraient être déifiés (c’est cette erreur grossière qui fit condamner l’A.F, par Rome en 1926, sous la pression de clercs gagnés à la démocratie-chrétienne).

Par cette préoccupation nationaliste qui avait fondé l’A.F. lors de l’Affaire Dreyfus, et non pour sauvegarder l’héritage de l’Occident chrétien, Maurras condamna ce qui, pour lui, incarnait l’Anti-France : l’Internationale juive, l’Internationale franc-maçonne, l’Internationale métèque. En fait, au lieu de rechercher l’inspiration de la société pré-révolutionnaire, il avance cet ostracisme pour créer une homogénéité “nationale”, pour pallier les risques de désintégration sociale dus à l’héritage positiviste des révolutionnaires (héritage que ne reniaient ni Taine, ni Renan, ses inspirateurs).

Mais Maurras sut voir dans le libéralisme, le protestantisme, et le romantisme des philosophes allemands (Fichte, Hegel, Nietzsche,...), les ferments de la subversion sociale.
Le grand mérite de Maurras fut de réintroduire dans le débat politique du XXe siècle, l’exigence d’une monarchie autoritaire (autorité suprême du roi), anti-parlementaire (contre la politique des groupes de pression comme les lobbys capitalistes), décentralisée (réhabilitation d’une autonomie des provinces, des métiers).

Il reste que l’ambiguïté de la doctrine maurrassienne au regard de la monarchie chrétienne fut la cause principale de la chute du royalisme de l’A.F. (qui avait attiré presque tous les royalistes d’alors) après le discrédit qui suivit la IIe Guerre Mondiale, et qu’avait précédé le désaveu du prétendant orléaniste d’alors (le duc de Guise).

Le légitimisme ou la pensée royaliste traditionnelle

Après la Révolution, l’avènement de la Ière République et du Ier Empire, il y eut deux rois légitimes régnants : Louis XVIII (de 1814 à 1824) et Charles X (de 1824 à 1830). Leurs règnes furent marqués par une politique courageuse allant à l’encontre de la révolution de 89.

Après le règne de Charles X, Louis-Philippe d’Orléans usurpa le trône de France en empêchant le roi légitime (Henri V, Comte de Chambord) de succéder. Ce fut la véritable naissance du courant légitimiste qui s’opposait à l’usurpation dynastique des Orléans, et surtout à la politique libérale des grands bourgeois qui soutenaient Louis-Philippe, digne continuateur de la révolution bourgeoise de 89.

Ce courant, dit légitimiste ― parce qu’il voulait renouer avec la légitimité politique de la monarchie chrétienne ― connut un vif succès : Henri V sut rassembler les français restés fidèles à la tradition catholique et monarchique. Le mouvement légitimiste assure depuis lors l’héritage de la pensée de l’Ancienne France ; il s’oppose diamétralement à la Révolution libérale, nationaliste ou socialiste ; en cela il est le seul mouvement politique authentiquement contre-révolutionnaire parce que le seul antérieur à la Révolution ; sa devise est celle des Chouans : “Dieu et le Roi”.

Henri V, tout comme le célèbre écrivain légitimiste Antoine Blanc de Saint-Bonnet, prit toujours position dans la vie politique française contre les injustices sociales ou lorsque l’enseignement de l’Église catholique se trouvait bafoué par la fausse “monarchie” louis-philipparde. Son intervention la plus notable fut, sans doute, sa Lettre sur les Ouvriers, dans laquelle il s’opposait à l’égoïsme bourgeois qui exploitait les populations ouvrières, allant à l’encontre de la dignité qu’on doit aux créatures de Dieu. Nombre d’auteurs catholiques suivirent l’exemple de leur Prince (La Tour du Pin, Albert de Mun qui fut à l’origine de toute nôtre législation sociale,...)

Jusqu’à sa mort en 1880, Blanc de Saint-Bonnet dénoncera la démocratie, la politique du grand Capital, et le socialisme anti-chrétien.

Avec le décès d’Henri V, en 1883, le courant légitimiste, se trouva en sommeil. L’idée de monarchie avait été salie par le règne de Louis-Philippe, ce qui éloigna beaucoup de français de leurs princes (y compris ceux qui demeuraient légitimes). Mais c’est surtout le désastreux Ralliement de Léon XIII à la République qui porta le coup le plus rude au mouvement.

À partir de 1883, la flamme légitimiste se maintint pourtant malgré les obstacles : les princes (depuis Jean III jusqu’à Alphonse II puis Louis XX, l’actuel successeur légitime) rappelèrent leurs droits et devoirs à l’égard de la France. Des intellectuels, des organisations (Notamment, l’A.G.L.F. dans les années Cinquante fondée par G. Saclier de la Bâtie, à la demande de Mgr le duc d’Anjou et de Ségovie), des journaux se succédèrent : l’audience était mince, mais les principes purent ainsi se transmettre jusqu’à aujourd’hui.

Mais qu’en est-il du mouvement légitimiste ?

La situation actuelle du royalisme Français.

Après la Guerre et les mésaventures de l’A.F., la Restauration Nationale tenta de continuer cette Action Française. Plongée dans un profond sommeil, n’ayant plus de grande attraction sur les forces vives du Pays, la Restauration Nationale se trouve engluée dans l’héritage maurrassien, et les multiples trahisons (comme celle du Comte de Paris, qui préféra Mitterrand à la vieille Action Française).

La Restauration Nationale connût une scission avec quelques jeunes étudiants séduits par les idées “soixant-huitardes”. Ils fondèrent la Nouvelle Action Française qui devint la Nouvelle Action Royaliste : ils prônaient le modèle libéral suédois (monarchie liée à la Social-Démocratie). Après avoir attiré des jeunes, exaspérés par la paralysie de la Restauration Nationale, ce mouvement a quasiment disparu.

Le Comte de Clermont, fils du Comte de Paris, tenta de lancer un mouvement orléaniste concurrent de la Restauration Nationale : le Mouvement Royaliste Français. Malgré de gros moyens financiers, ce mouvement tourna court.

Le légitimisme aujourd’hui

Après l’éclosion, dans les années 1960-70, de nombreuses associations culturelles proches des légitimistes, Gérard Saclier de la Bâtie entreprît de recréer un grand mouvement politique “royaliste-légitimiste” : ce fut la fondation de l’Union des Cercles Légitimistes de France (U.C.L.F.), à la Toussaint 1979.
Ce mouvement reprend toute la tradition défendue par Henri V et le légitimisme historique : une tradition qui restaure le droit dynastique de France, et qui s’oppose aux idéologies filles de la Révolution.

Pour nous, il est clair que les institutions monarchiques sont le rempart nécessaire d’une société de Droit naturel et chrétien. Les royalistes trouvent naturellement leurs armes politiques dans un esprit opposé à celui qui défait les sociétés occidentales (attaque de la religion catholique, subversion culturelle, terrorisme d’État ou terrorisme totalitaire importé des pays ennemis de l’Occident chrétien).

Cet esprit de la monarchie chrétienne traditionnelle existe toujours : c’est lui, et lui seul, qui peut encore sauver nos sociétés minées par ces créatures révolutionnaires que sont, le socialisme délétère, le nationalisme haineux et enfin, le libéralisme individualiste dont la forme totalitaire (la technocratie asservie au grand capital) s’impose de plus en plus.

Depuis quelques années, la pensée légitimiste connaît un renouveau dû conjointement à sa redécouverte par certains universitaires, à l’enthousiasme qu’elle suscite chez les jeunes gens (quand ceux ci s’aperçoivent de sa richesse, de sa cohérence et de sa générosité), et enfin à la personnalité attachante de Louis XX, le successeur actuel de nos rois.