Vive le Roy

Gnose traditionnelle contre franc-maçonnerie

Initiés contre initiés
lundi 20 avril 2009 par Vignerte

Les tenants de la gnose traditionnelle ― tels Alain PASCAL et Arnaud GUYOT-JEANNIN ― s’affichent volontiers contre-révolutionnaires, anti-égalitaristes, nationalistes, anti-modernistes et violemment anti-maçons. Excepté le nationalisme, voilà une profession de foi susceptible de séduire bien des catholiques, au point de les enrôler ― sous la bannière de la “tradition”― dans des combats qui ne sont pourtant pas les leurs. Car ne nous y trompons pas : si les disciples de Guénon et d’Evola abhorrent la franc-maçonnerie, c’est d’abord parce que cette dernière aurait trahi l’esprit d’une prétendue “bonne initiation traditionnelle” !

Des initiés défenseurs de la “tradition”

Perdus dans les méandres de pensées aussi nébuleuses qu’éloignées de la vraie foi, les défenseurs passés et contemporains de la gnose traditionnelle ne sont véritablement unis que dans l’erreur.
Sous le terme générique “tradition” et dans un effort de syncrétisme, ils cherchent depuis des années à établir des passerelles entre le catholicisme et des religions réputées traditionnelles de notre pays : gnose, paganisme, voire satanisme ...

L’un d’eux, le peu recommandable Arnaud Guyot-Jeannin ― spécialiste de Julius Evola, collaborateur à la revue greciste Élément et à Spectacle du monde ― écrivait en 1996 :

Le courant traditionaliste [ à la manière guénonienne, note de VLR ] est traversé par de multiples tendances et sous-tendances. C’est ce qui fait sa richesse, mais c’est aussi ce qui fait qu’il se disperse. La diversité peut désunir et empêcher qu’un authentique front de la tradition existe. [1]

À des années lumières de la tradition apostolique, l’unanimité de ces étranges traditionalistes ne se réalise que sur un nombre de points limité, parmi lesquels l’existence d’une nécessaire initiation ésotérique ayant pour but d’intégrer pour les uns, de réintégrer pour les autres, l’essence divine. Si de sérieuses divergences existent entre eux sur cette question, les théories en présence aboutissent toutes, par quelque chemin emprunté et malgré les dénégations offusquées de leurs défenseurs, à une déification de l’homme.

Cependant, plus encore que par de vagues fantasmagories prométhéennes ne les distinguant en rien des autres sectes, les gnostiques “traditionnels” se trouvent liés par une vision similaire du monde et de son évolution. À la suite de Guénon et d’Evola, ils effectuent le lourd constat d’une désacralisation de notre univers ― la “perte du sacré” ― et de l’entrée de l’humanité dans un âge des ténèbres : l’âge de fer.

Gentils gnostiques traditionalistes contre méchants francs-maçons

Leur conception cyclique de l’Histoire de même que la certitude de la décadence contemporaine, les oppose de manière radicale à l’opinion béatement optimiste de la maçonnerie classique selon laquelle l’Homme est en phase de progrès.

Initiés contre initiés, tel est l’enjeu volontairement simplifié d’une partie truquée, sans vainqueur possible, à laquelle voudraient nous faire prendre part les protagonistes en présence.

La situation critique de la chrétienté actuelle, la reconnaissance générale du rôle joué par la maçonnerie dans cet état de fait, exposent aujourd’hui le catholique à un danger auquel il n’a jamais été réellement préparé : celui d’admettre pour alliés de circonstance des initiés se faisant passer entièrement pour nôtres.

Comme la tâche est aisée à ceux qui souhaitent arriver à leur fin ! Il leur suffit de cacher l’enseignement secret qu’ils ont suivi et d’évoquer les terrains sur lesquels leurs positions semblent en accord avec la doctrine catholique.

 Ainsi Guénon attaqua la démocratie corruptrice, la maçonnerie corrompue, la théosophie qu’il ne pouvait souffrir.
 Evola s’attacha à masquer quelque peu sa haine du christianisme tout en développant une attaque féroce contre la maçonnerie qu’il jugeait en grande partie responsable de la décadence de notre société : « La maçonnerie moderne a été l’une des organisations secrètes qui ont préparé la subversion mondiale. » [2]. Il en vînt même à traduire en Italien les travaux de l’excellent Léon de Poncins.

Les tirs croisés contre la maçonnerie des catholiques et des gnostiques traditionalistes ont pu être à l’origine de bien des amalgames alors même que les fondements de ces attaques n’ont rien de commun, si ce n’est des constats secondaires.

Les raisons de la haine gnostique anti-maçonne

Une interview d’Alain Pascal, auteur de La trahison des Initiés, ouvrage très spécieux et très médiatisé dans nos milieux [3], nous aidera certainement à mieux comprendre les raisons de la haine gnostique (traditionnelle) à l’égard des maçons :

Étant moi-même catholique, j’ai été sensibilisé par l’intolérance maçonnique à l’égard de cette religion (...) le but réel est la déchristianisation de l’Occident. La Franc Maçonnerie se considérant comme une “religion” supérieure à toutes les autres, son combat ne s’arrêtera pas au catholicisme, mais atteindra tout le passé européen, y compris le paganisme ou le protestantisme (...) Je n’ai pas d’hostilité aux formes traditionnelles de l’Initiation. Une transmission du savoir ne peut effectivement concerner qu’une élite. Seulement cette élite doit être spirituelle, ne pas se compromettre dans le politique, encore moins avec la Finance. Les francs-maçons se voulaient dépositaires de l’initiation, mais d’une société qui se voulait aristocratique, ils ont fait une vulgaire coterie, disons même une mafia, qui a imposé la démocratie pour mieux parasiter la société. Je dénonce l’imposture de la pseudo démocratie et le mensonge culturel qui permet à la Franc Maçonnerie de se justifier. La démocratie est un leurre, et de véritables initiés ne peuvent accréditer l’égalitarisme ... [4].

Ainsi, le “catholique” Alain Pascal croit en l’existence d’initiations véritables, réservées à une seule élite ! Nous serions vraiment curieux de savoir à quelles initiations il fait de la sorte allusion. Qu’importe ! À la suite de l’occultiste Evola, qu’il cite fréquemment dans son essai, cet auteur reprend une critique de la maçonnerie caractéristique des milieux gnostiques traditionnels.
 Une critique nullement fondée comme elle devrait l’être sur la condamnation de l’initiation ésotérique mais sur le mauvais usage que la Secte aurait fait de celle-ci.
 Les Frères sont accusés d’avoir démocratisé l’initiation alors qu’elle aurait dû rester entre les mains d’une élite.
 Pis ! les maçons, intolérants, ont cherché à détruire des religions ancrées dans le passé et les mœurs occidentales. Ils ont concouru de cette manière à la désacralisation de nos sociétés. Bref, ils ont perverti le “véritable” esprit initiatique [5].

Combattre la Franc-maçonnerie et la Gnose traditionnelle

La Vérité est une, l’erreur multiple. La recherche de la connaissance ésotérique, fruit de l’orgueil des hommes, conduit aux désordres de l’esprit et, toujours, pour ceux qui s’écartent de la seule voie possible, à la haine de la vraie foi (plus ou moins marquée selon les individus en fonction des talents dont ils bénéficiaient au départ, de leur passé, de leur attachement à l’erreur...) Il existe donc aujourd’hui des initiés qui s’affirment contre-révolutionnaires [6], antidémocrates, nationalistes... opposés à la maçonnerie.

Prenons-en note. Apprenons à les repérer et fuyons les comme la peste, de même que nous avons appris à fuir leurs frères ennemis (la contre-révolution ne peut être qu’intégralement catholique). Gardons-nous bien d’essayer de nous servir des uns pour combattre les autres car nous en viendrions à perdre de vue que, malgré leurs guerres intestines, tous ces hommes sont unis par des liens invisibles (leur unique Inspirateur ne peut que les orienter contre le Christ) [7]. N’oublions enfin jamais de remercier Dieu d’avoir divisé les bâtisseurs de Babel et continuons, animés d’une sainte espérance, à mener sereinement le combat, sûrs que nous sommes du triomphe final de la Croix.

[1Guyot-Jeannin (A.), Enquête sur la Tradition, Guy Trédaniel Éditeur, Paris, 1996, Préambule, p.9.

[2Julius Evola, Les hommes au milieu des ruines, éd.Guy Trédaniel/Pardès, Paris, 1984, p. 190.

[3Pascal (A.), La trahison des initiés, éd. de l’Aencre, Paris, 1996,267 pages.

[4L’entraide nationale, n°3, février 1998, p.4, art. Trois questions à l’auteur de La trahison des initiés, propos recueillis par Fabrice Dutilleul.

[5L’ouvrage d’Alain Pascal contient tout de même quelques bonnes réflexions. Reconnaissons à l’auteur le mérite de rejeter l’idée de Tradition primordiale, en se référant sur ce sujet, il est vrai, à un autre auteur douteux : Mircéa Eliade. Pascal rejette encore la notion d’ésotérisme chrétien. Il reconnaît cependant la validité de diverses “traditions” :« L’excellence de tous les grands monothéismes a d’ailleurs fait qu’ils ont été chacun à l’origine de civilisations... Au nom de la liberté, au nom de la paix, chaque humain doit pouvoir suivre la religion de son choix. Même si ce choix lui est dicté par le hasard de sa naissance » (op. cité, p.217).

[6L’antichrétien Evola déclarait naturellement que « Tout ce qui relève des idéologies qui se sont affirmées avec la Révolution française est étranger, dénaturant, corrupteur » (Les hommes... .op. cité, p.22)

[7Il est très fréquent que les gnostiques traditionnels soient passés par des loges. Des passerelles plus ou moins solides existent entre tous ces mondes. Cependant, nous ne partageons pas l’idée selon laquelle il existerait un vaste front unique (liant humainement tous les initiés) qui suivrait le programme d’une machination gigantesque élaboré depuis des décennies.


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