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La peste néopaïenne

La force des méchants

samedi 23 août 2008, par Vignerte

Ils avancent masqués et séduisent nombre de jeunes catholiques désireux d’action pour les amener dans des mouvements identitaires. Les sectateurs de la mouvance néo-païenne de la Nouvelle Droite constituent toujours un puissant foyer de subversion, d’autant plus redoutable que personne ne s’en méfie.

Une fois armé, chacun d’entre nous peut s’orienter dans la direction lui paraissant la plus propre à lui fournir une parcelle de pouvoir dans notre communauté d’hommes. Mais cela faisant, il n’est pas tenu, et dans certains cas, il ne lui est pas conseillé de dévoiler en tout ou en partie les idées du GRECE. C’est en fonction de l’opportunité qu’il s’attaquera à infiltrer nos concepts, nos règles, notre vision. C’est cela le propre d’une société de pensée.

Jacques Bruyas, Association GRECE Éléments, mai 1969, p.15 [1].

Quelque quarante années après la création du Groupement de Recherches et d’Études pour la Civilisation Européenne, ne serait-il pas intéressant de nous demander si la stratégie ainsi énoncée par l’un des fondateurs de la Nouvelle Droite était seulement imputable à l’enthousiasme de l’un de ses initiateurs ou si elle relevait au contraire d’une réelle et inébranlable volonté de subversion confirmée par les faits et dans le temps ?

Le souhait des promoteurs du GRECE (Alain de Benoist n’allait pas tarder à en devenir le principal animateur) était, dès ses débuts, de créer un courant de pensée porteur d’un nouveau paganisme et d’une dynamique intellectuelle tendant à faire démentir la fameuse idée selon laquelle la droite française était la plus bête du monde.

Cette dernière assertion ne devait d’ailleurs pas se révéler sans fondement si l’on considère que le Groupement assura rapidement à nombre des siens des places convoitées au sein des partis et organes de presse de la droite libérale et conservatrice. Alors que dans les années quatre-vingts les grécistes, reprenant la pensée nietzschéenne, étalaient dans leurs périodiques une haine farouche du christianisme - « Le dieu des chrétiens est mort mais son cadavre n’en finit pas de se répandre. Sous des noms les plus divers, les valeurs chrétiennes ont tout infecté [2]. »- les lecteurs bien-pensants du Figaro Magazine, de Valeurs Actuelles, lisaient chaque semaine les écrits, pour l’occasion assagis, d’Alain de Benoist et de ses sbires.

Officiellement apolitique, se défendant de tout entrisme, la Nouvelle Droite a toujours affirmé ne répondre en aucun cas des engagements personnels de ses adhérents : Des membres du GRECE contribuent à :
 créer le Club de l’Horloge (Jean-yves Le Gallou, Yvan Blot) !
 Investissent les rédactions comme celle du Choc du Mois… !
 Fondent des journaux : Enquêtes sur l’histoire puis La nouvelle revue d’histoire de Dominique Venner !
 Rejoignent le combat révisionniste (Jean-Claude Valla) !
 S’impliquent dans le combat du Front National (Vial, Haudry, Varennes…) [3] !
 Cherchent une ouverture sur la gauche [4] … !

Le passé gréciste de ces hommes est-il mis à jour ? La réponse, tant au niveau des intéressés que de celui de la Maison Mère, qu’elle soit fondée ou non, reste invariable : “…N’appartient plus à la Maison indiquée”.

Le procédé est si simple qu’Alain de Benoist a tenté lui-même d’y recourir, alors qu’en novembre 1999 il rédigeait encore et toujours les éditoriaux du journal officiel du Groupement, Éléments. Infiltrés ou vrais repentis, la question est susceptible de devenir un véritable dilemme pour qui tenterait de dénoncer les agissements de ces hommes afin de mettre un terme à leurs activités.

Il est vrai que parfois, certains parcours ne laissent aucun doute quant à la motivation de ceux qui les réalisent. L’exemple de Guillaume Faye est à cet égard bien édifiant : diplômé de Sciences politiques, entré au GRECE en 1973, ce jeune et brillant espoir du mouvement païen laisse en plan ses activités de rédacteur en chef d’Éléments [5] pour se lancer sur les ondes à partir de 1986. Après une brève participation à Radio Caroline [6] (prénom de la fille aînée de Jean-Marie Le Pen), le voilà propulsé “Skyman”, animateur star de Skyrock. Alternativement animateur télé, journaliste dans la presse populaire (l’Échos des Savanes), scénariste de séries américaines, il avoue même avoir « fait du porno » [7]. De quelle manière ce peu glorieux personnage explique-t-il son étonnante carrière ?

« …A trente-six ans je voulais passer du bateau de rivière au grand large. Ce navire m’a amené chez ceux que je considérais alors comme mes principaux adversaires, au cœur des systèmes à tuer les peuples. J’y suis parvenu à y faire mon trou… J’ai agi à l’image du serpent – souple à l’extérieur, dur à l’intérieur-, sans me vendre ni me prostituer, c’est à dire sans sacrifier les idées qui restent les miennes… Je me considère toujours comme fondamentalement païen… Mon héros c’est Don Juan : pas seulement celui qui séduit les femmes, mais celui qui défie le Père, le Dieu-Père, qui multiplie les masques en restant lui-même. D’où mon intérêt pour l’imposture, qui permet de créer des situations de rupture et de recomposition… [8]. »

Ne nous étonnons pas de retrouver ce pornographe sur le devant de la scène politique en 1997, à l’occasion d’un exposé effectué devant le public du Renouveau Étudiant (FN) [9]. Faye a depuis confirmé son retour en force en publiant un ouvrage aux éditions de l’Aencre (ouvrage vanté à l’époque par le païen Jean Mabire dans le journal frontiste National Hebdo) [10], et en intervenant officiellement lors de la XVe université du Club de l’Horloge qui s’est déroulée au mois d’octobre 1999 (qui sera réellement en mesure de s’étonner de l’invitation de Faye par ce Club ?) [11].

Combien d’“ex-grécistes” se sont ainsi infiltrés dans des mouvements de tous horizons afin d’y répandre leurs idées ? La dénonciation de leur présence au cœur d’institutions étrangères à nos principes nous est chose facile. Plus délicate, en revanche, demeure l’évocation du passage à des mouvements catholiques de membres de la Nouvelle Droite. Jean-Yves Camus, journaliste tendance socialo-démocrate, résume très bien la situation : « Toujours dispersés entre plusieurs réseaux, certains cadres formés à cette école tentent aujourd’hui d’essaimer dans les milieux catholiques traditionalistes. Une évolution relevant du domaine privé, ne devrait pas appeler de commentaires [12]. »

Une fois confondu, l’excuse du païen présumé est en effet toute trouvée : « Je me suis converti ». Ite missa est. Il n’y a plus rien à dire sous peine de commettre occasionnellement une véritable injustice et plus généralement de s’attirer les foudres des naïves et "bienveillantes" personnes ayant introduit ces individus dans nos milieux. Car le plus malheureux dans cette affaire, n’est pas l’existence de tentatives de pénétration ennemie au sein des organisations traditionalistes, mais bien que ces manœuvres soient aujourd’hui devenues presque inutiles puisque ce sont des catholiques qui invitent désormais les hommes du GRECE à venir collaborer avec eux :

 Paris, 24 mars 1996, lors d’une journée organisée par le Comité 496, Alain de Benoist est convié à s’exprimer à la tribune officielle [13].
 1998, la biographe de Jean Madiran, Danielle Masson, accepte d’assumer la direction d’un livre auquel collabore Alain de Benoist [14].
 1999, alors qu’un membre de la rédaction d’Éléments apporte sa coopération à une revue traditionaliste, l’un de ses confrères, Arnaud Guyot-Jeannin, a animé pendant quelques années des émissions sur Radio Courtoisie [15]... etc., etc., etc. …

"Apologétique", répondent en désespoir de cause certains responsables impliqués. "Compromission", "scandale", seraient des termes plus appropriés.

À grands renforts de citations philosophiques et de néologismes sophistiqués dont ils émaillent leurs écrits, les prosateurs de la Nouvelle Droite ont réussi ce formidable coup de bluff de faire croire qu’ils constituaient un courant intellectuel incontournable pour tout homme souhaitant sérieusement s’opposer à l’égalitarisme marxiste. En d’autres circonstances, la réussite de cette imposture aurait prêté à rire : en trente années d’existence, la "doctrine" évolutive avancée par les grécistes n’a jamais présenté la moindre cohérence si ce n’est dans sa haine constante du christianisme. Bien des prêtres et intellectuels des années cinquante, par crainte de ne plus paraître à la page, invitèrent à l’envi les penseurs marxistes à "partager" le fruit de leurs expériences. Le résultat fut des plus "extraordinaires" ! Il semblerait que l’actuelle ouverture opérée par une coterie traditionaliste en direction de la Nouvelle Droite relève d’un orgueil ou d’une pusillanimité comparable.

N’est-il pas satisfaisant, Monsieur Molnar (Itinéraires, Monde et Vie…), d’être reconnu par la nouvelle intelligentsia de droite au point d’être invité à discourir aux universités du GRECE [16] ?

Aucune hérésie, aucune tentative d’entrisme, ne peut représenter un réel danger pour l’Église lorsque celle-ci est forte et déterminée. Ce constat vaudrait également pour l’action souterraine actuelle de la Nouvelle Droite s’il n’en existait un autre tout aussi vrai, maintes fois rappelé par les théologiens les plus sages : « la force des méchants vient de la faiblesse des bons. »

Pour mieux cerner l’idéologie du GRECE, voir l’article Aux origines du GRECE (ou Nouvelle Droite) de Faoudel.


[1Jacques Bruyas "Association GRECE Eléments", mai 1969, p. 15. Cité par A.-M. Duranton-Crabol, Les visages de la Nouvelle Droite, le GRECE et son histoire, Presses de la Fondation Nationale des Sciences politiques, Paris, 1988, p. 140.

[2Éléments N° 36 - éditorial de Robert de Herte alias A.de Benoist

[3Cf. à ce sujet le dossier intitulé "Légitimistes gardez-vous à gauche, Légitimistes gardez-vous à droite", paru dans La Blanche Hermine n° 3, Novembre-Décembre 1997.

[4La tentative d’ouverture sur la gauche a notamment été pratiquée par Alain de Benoist grâce à sa revue Krisis.

[5Les éléments généraux concernant la biographie de Guillaume Faye ont été essentiellement emprunté à l’Encyclopédie de la politique française d’Emmanuel Ratier, éditions Faits et Documents, Paris, 1992, p. 355.

[6Cf. Roland Gaucher, Les Nationalistes en France, tome II "La montée du FN", éditions Jean Picollec, Paris, 1997, p. 258.

[7"Entretien - Rencontre avec Guillaume Faye", Éléments, n° 92, juillet 1998, pp. 9-12.

[8Idem, p. 9.

[9Information parue dans Faits et Documents et reprise par Lectures Françaises, n° 501, janvier 1999, p. 34.

[10Recension de L’archéofuturisme, livre de Guillaume Faye, réalisée par Jean Mabire dans National Hebdo, n° 768, semaine du 8 au 14 avril 1999, p. 17.

[11Information recueillie dans "La XVe université du Club de l’Horloge", art. de Franck Delétraz paru dans Présent, 6 novembre 1999, p. 4.

[12Jean-Yves Camus (sous la dir. de), Les extrémismes en Europe, État des lieux en 1998, éditions de l’Aube, 1998, p. 191.

[13Cf. art. de Michel Vocance, "La chrétienté en marche", Pacte (Lettre mensuelle d’informations de l’Association 496), n° 4, mai 1996, p. 2.

[14Danièle Masson (sous la dir. de), Dieu est-il mort en Occident ?, "Dialogues avec Alain de Benoist…", éditions Trédaniel, 1998.

[15Cf. à ce sujet, Yves-Anne Laurens, art. "Sol Invictus", de Rome et d’Ailleurs, n° 158, mai 1999, p. 7. [de Rome et d’Ailleurs, Editions de la Vraie Presse, Case postale 123, CH-1635 La Tour-de-Trême (Suisse)].

[16Arnaud de Lassus, La Nouvelle Droite, Action Familiale et Scolaire, sept. 1992, p. 48 : "Ami d’Alain de Benoist, participant au XXVe colloque du GRECE, "Etats-Unis : danger" du 24 novembre 1991, Thomas Molnar…" [Action Familiale et Scolaire, 31, rue Rennequin, 75017, Paris].