Vive le Roy

Julius EVOLA, héraut de la "Tradition initiatique" (1898-1974)

L’orgueil du kshatriya ou "guerrier initié"
lundi 5 janvier 2009 par Vignerte

À l’exemple du récent N°37 de la Nouvelle Revue d’Histoire, il ne manque pas de publications et d’ouvrages pour encenser régulièrement un Julius EVOLA “héraut de la Tradition”, chantre de la “révolution conservatrice”, “contempteur du monde moderne” décadent, et incarnation du chevalier “debout au milieu des ruines” du kali-yuga, cet “age de fer” relatif à la conception cyclique du temps des doctrines initiatiques. Mais qui était-il vraiment et qui sont ses admirateurs ?

Le disciple de René GUÉNON

Hanté par la grandeur de la Rome antique, Julius Evola fut un héraut de la Tradition et un farouche contempteur du monde moderne. Tout à la fois contemplatif et combattant politique, il fut au plein sens du terme un « homme debout au milieu des ruines…il était à l’image des sommets enneigés qui le fascinaient tant, puissant, glacé et lumineux, en un mot : solaire ». [1]

Quel touchant hommage rendait ainsi à Julius Evola Bruno Racouchot, alors responsable du service de formation du Front National de la Jeunesse (1996). Pris parmi tant d’autres, ce texte est symptomatique de toute une littérature édifiante, destinée à remettre à l’honneur ce « grand penseur de la décadence », ce « héraut de la tradition » que fut Evola, disciple de l’ésotériste Guénon et lui-même auteur d’une œuvre dense, variée, sulfureuse au possible, empreinte à tout jamais des relents les plus nauséeux de la pensée gnostique.

En 1928, un aristocrate italien, pétri de philosophie nietzschéenne et féru d’occultisme, publiait l’Impérialisme païen, ouvrage anti-chrétien, diligemment condamné par les autorités religieuses. Alléguant son jeune âge, la mauvaise influence d’un entourage maçonnique, son auteur, Julius Evola (1898-1974), reniera cet écrit quelques années plus tard. Hélas, cette évolution ne résultait pas d’une conversion soudaine, seulement de l’approfondissement qu’Evola avait fait, au début des années 1930, de l’œuvre de René Guénon.

Le théoricien du kshatriya ou guerrier initié

Le socle de la pensée évolienne est désormais établi. Tous ses livres, articles, seront élaborés à partir des valeurs et concepts chers aux disciples de Guénon : de la nécessité d’une initiation ésotérique réservée à une élite, à l’existence de la fameuse “tradition primordiale”, … tout le corpus gnostique est repris par Evola qui devient à son tour un théoricien de la “Tradition”.

Exprimant parfois des points de désaccord avec son maître, il se distingue surtout de celui-ci en développant les fondements d’une action politique traditionnelle propre à la caste kshatriya. Empruntant en effet le vocabulaire des castes de l’Inde, notre Italien, quelque peu fier-à-bras, opère une distinction entre deux types de sacralité et d’initiation : celui auquel il affirme se rattacher s’apparente davantage au type guerrier et royal qu’au type sacerdotal et contemplatif du brahmâna Guénon.

Dès lors, le chevalier moderne de l’ésotérisme se donne pour mission de réfléchir à l’action que tout kshatriya doit mener afin, non seulement de se parfaire, mais aussi d’accomplir le devoir qui est le sien de restaurer une “cité traditionnelle”. La cité idéale du Romain est dirigée par un seul chef, secondé dans sa tâche par une aristocratie dont les membres sont initiés et conscients que leur pouvoir, loin de venir de Dieu, est proprement divin.

Prisonnier de ses chimères, Evola conseille dans un premier temps à l’élite guerrière et spirituelle de reconstituer un Empire en s’appuyant sur les partis de masses “les moins décadents”, qu’il s’agit d’infiltrer et de réformer de l’intérieur. Il flirte ainsi avec la branche la plus radicale du fascisme italien tout en ayant d’étroits contacts avec la SS hitlérienne.

Inquiété pour ses idées après 1945, à demi paralysé suite à un bombardement, sa perception des événements devient de plus en plus pessimiste. Abandonnant ses illusions dans les dernières années de sa vie, il ne croit plus guère à l’efficacité de l’action du kshatriya dans la société. Les derniers guerriers n’ont plus à rechercher la “connaissance” que par une action retournée sur soi, ultime démarche susceptible encore de les faire accéder au “supra-monde”.

Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis

L’image de ce combattant viril, prônant le détachement vis-à-vis de ses passions, luttant contre la décadence et combattant pour restaurer une cité traditionnelle, aurait de quoi séduire une jeunesse désœuvrée, sans idéal. L’hostilité affichée par Evola à l’encontre des idéologies libérale et marxiste, ses attaques incessantes contre la maçonnerie, pourraient également lui attirer la sympathie de bien des catholiques.

Aussi faut-il être clair : Evola critique la maçonnerie pour la seule raison qu’elle est, à son avis, une société initiatique dégénérée dont l’action est devenue néfaste. Il ne suffit cependant pas à un penseur d’être anti-maçon pour être recommandable.

Examinons pour nous en convaincre la position d’Evola vis-à-vis de l’Église.

 Il laisse entendre de manière hypocrite que l’élite guerrière se doit de la respecter en tant que support historiquement dépassé d’une parcelle de la “Tradition”. Mais il ne s’agit là que d’un respect de circonstance, n’obligeant nullement la “fine fleur” gnostique à prendre la défense d’une « des traditions les plus exclusives, pour ne pas dire partisanes, et les plus éloignées de la conscience supra-traditionnelle  [2]. » L’Église n’a-t-elle pas toujours refusé d’accepter l’existence d’une spiritualité lui étant supérieure ?

 L’auteur de la Métaphysique du sexe reproche également au christianisme d’avoir adopté une morale restrictive, oubliant que « le “mal” n’est qu’un terme générique au contenu variable à cause des conditionnements sociologiques et historiques. [3] »

 En 1971, Evola accuse encore l’Église d’avoir élaboré une théologie réductrice en ne retenant du “Principe Suprême” que son élément créateur, sans tenir compte de son autre pôle, destructeur, qui rentre pourtant dans la dialectique du divin. La conclusion est sans ambiguïté : « l’idée occidentale et chrétienne de Satan correspond simplement à celle d’une autre face de Dieu [4]. »

Cette étonnante théologie conduit Evola à conseiller au kshatriya de ne rejeter a priori aucun moyen d’entrer en contact avec le “monde suprasensible”. Par delà le bien et le mal, malgré tous les dangers que leurs pratiques sont susceptibles d’entraîner, le guerrier gnostique doit être en mesure d’expérimenter la “haute magie”, l’alchimie, la magie noire ou la sorcellerie, à la condition illusoire que ces deux dernières ne revêtent pas de caractères blasphématoires à l’encontre du pôle créateur.

Des disciples toujours actifs et dangereux

En 1974, selon ses dernières volontés, les cendres d’Evola furent portées par ses amis au sommet du Mont Rose et glissées dans un glacier. Après un travail acharné de plus de vingt ans, les fidèles du penseur italien ont réussi à introduire en France les théories fumeuses d’un homme sans scrupule au sein des milieux les plus divers. Ils s’ingénient à faire croire aux catholiques qu’Evola est un défenseur de la Tradition, un chevalier des temps modernes.

Du thuriféraire de la pensée gnostique Arnaud GUYOT-JEANNIN [5] au nationaliste-révolutionnaire Christian BOUCHET [6], et plus récemment Dominique VENNER dans sa Nouvelle Revue d’Histoire [7], ces hommes ont en commun de graviter dans les sphères de la Nouvelle Droite (une rapide recherche de ces noms sur la Toile vous le confirmera.)

Or, contrairement à ce que pouvait affirmer Serge de Beketch dans son Libre Journal, ce disciple de Guénon n’est pas un « …mutin magicien matinal, un des Éveilleurs les plus providentiellement subversifs de cette fin de siècle “aux allures de fin de cycle” » [8].

La “tradition” défendue par Evola, étroitement liée à l’occultisme, est foncièrement anti-chrétienne ; son modèle du guerrier gnostique, une hideuse caricature du chevalier chrétien. Non ! Rien ne peut être décemment écrit, en l’honneur du Kshatriya.

[1Evola, le Romain…, art. paru dans le Supplément à Français d’abord, n° 240, juillet 1996, pp. 4-6

[2Julius Evola, Les hommes au milieu des ruines, éd.Guy Trédaniel / Pardès, Paris, 1984, p.142

[3Masque et visage du spiritualisme contemporain, version 1971, éd. Pardès, 1991, p.191

[4Masque et visage du spiritualisme contemporain, version 1971, éd. Pardès, 1991, p.191

[5Evola et la Tradition, Ed. Ars Magna, 2000

[6Les liaisons dangereuses de Julius Evola : A. Crowley, G. B. Gardner et M. de Naglovska, Ed. Ars Magna, 2003. Christian Bouchet est un des principaux rédacteurs du blog voxnr.com dont on trouve une présentation très intéressante à cette page.

[7Evola. Philosophie et action directe, NRH, n°37, juillet-août 2008

[8Le Libre Journal de la France Courtoise, n° 147, 13 mars 1998. Introduction au dossier Tradition et quête spirituelle


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