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Henri Comte de Paris (1908-1999) ou la tradition orléaniste, par Guy AUGÉ (1979)

Ma personne est tout, mon principe n’est rien

samedi 5 juin 2010, par ISH, MabBlavet

Les Orléans ont toujours été dynastes, cependant les Lois Fondamentales du Royaume les placent très loin derrière la branche aînée d’Anjou. Un prince d’Orléans désirant malgré tout satisfaire une ambition royale doit donc renoncer au principe de légitimité pour ne mettre en avant que sa seule personne. Feu le Comte de Paris est l’exemple extrême de cette stratégie préconisée par son aïeul, l’usurpateur Louis-Philippe. L’abandon de la transcendance ― pourtant inhérente à la monarchiele condamna tantôt à faire une cour servile au pouvoir en place, tantôt à se prostituer à l’opinion du jour, abdiquant de fait tout courage et tout honneur.

Introduction de Vive le Roy

Extrait de l’ouvrage de Guy AUGÉ : Succession de France et règle de nationalité — La Légitimité — Diffusion : D.U.C. Paris, (1979) -pp. 127-141.

Titre original de l’extrait : Postface. Comte de Paris ou Duc d’Anjou. Quelques réflexions sur l’avenir du royalisme français. (2e Partie)

AVERTISSEMENT : Les titres ont été ajoutés par la rédaction de VLR pour faciliter la lecture en ligne.


Qui est donc le Comte de Paris ?

En avril 1956, dans un article paru aux Écrits de Paris, René Johannet, essayant de discerner "l’avenir du Comte de Paris", s’exprimait en ces termes :

La position du Comte de Paris est l’une des plus étranges que l’on puisse imaginer. De tous les prétendants au trône de France qui se sont succédé depuis un siècle, il est assurément le plus zélé, le plus actif, le plus ambitieux.

Il n’en a pas moins réussi à faire abroger la loi d’exil portée contre lui. Mieux : il cousine avec la gauche avancée, traite de pair à compagnon avec Mendès, Edgar Faure, collabore au Monde, se voit cité par un ministre en plein Chambre.
Que la République vienne à disparaître, il en sera le dernier témoin, le témoin de ses affres les plus secrètes.

Pour retrouver semblable anomalie, force nous est de remonter aux beaux jours du parti radical, quand on expédiait d’office à Bruxelles les nouvelles recrues de marque pour être présentées au prince Victor [1]. Soit dit entre nous, ça n’a pas mené très loin le prince Victor.

Cela n’a pas, non plus, mené très loin le Comte de Paris, puisqu’au terme d’un demi siècle de vie politique il publie un livre désenchanté [ses Mémoires, note VLR], et donne quelques déclarations qui laissent mal augurer du devenir de sa Maison. Mais ce peut être grave pour le royalisme français, et il convient d’en prendre la mesure.

Un Prétendant moderne libéré du royalisme

**Se libérer du royalisme orléaniste maurrassien

Le prince Henri, auquel on ne saurait sans injustice contester le goût du métier politique, la ténacité, le désir de servir son pays, et l’ambition de parvenir aux affaires à n’importe quel prix, violence mise à part, est parti de ce postulat que le mouvement monarchiste, réduit à ses propres forces, était incapable d’obtenir la restauration.

Il a donc cherché à se “libérer du royalisme [2] en rompant spectaculairement avec l’Action française. Il l’explique au début de son ouvrage, racontant sa prise de conscience, son manque d’enthousiasme pour les idées et la personnalité de Maurras, dont il reconnaît "l’intelligence lumineuse", mais réprouve le caractère raisonneur et l’« intransigeante certitude ». Il en trace un portrait peu flatteur :

Tout en lui respirait l’autorité : le torse bombé, la moustache et la barbe volontiers hérissées, et ce nez, bourgeonnant, énorme, vineux, qui donnait à l’ensemble de la physionomie quelque chose de démodé, de pathétique et d’effrayant [3].

Ses sympathies allaient plutôt aux dissidents de l’A.F., Georges Valois, Bernanos surtout qui lui « apportait un souffle merveilleux, une pensée neuve et forte, irradiante de lumière » [4].

**Enterrer la vieille légitimité

De façon révélatrice, il manifeste son hostilité foncière, très orléaniste, au Comte de Chambord, — "celui du drapeau blanc", ainsi qu’il le nomme avec mépris, oubliant l’écrasante responsabilité de ses ancêtres dans l’affaire de la restauration manquée ! Il ne s’agit pas seulement ici, prenons-y garde, d’une antipathie ad hominem, mais de la répudiation consciente du principe de légitimité traditionnelle sans lequel, précisément, le Comte de Chambord disait n’être rien.

À l’extrême opposé de cette attitude, le Comte de Paris voudrait être quelqu’un en se « faisant pardonner d’être prince », suivant le conseil de Louis-Philippe à ses fils.

Le Prétendant se flatte d’avoir écrit (p. 362) que « la vieille légitimité, détruite dans le sang et la colère, n’a jamais été vraiment restaurée », et il assume ce propos de Berdiaeff :

... Le vieux légitimisme est mort, il appartenait à l’autre histoire, et c’est courir après un fantôme que de poursuivre sa restauration.

Il ajoute, enfonçant le clou afin que nul n’en ignore :

Dans un temps où l’effet de la loi religieuse est de plus en plus réduit en étendue et en profondeur, où la famille, là où elle subsiste encore, se contracte en une cellule solitaire, où l’héritage est disloqué par les mœurs et les lois, où l’exercice de la gestion des biens acquis par voie de succession est de plus en plus contesté et de moins en moins pratiqué dès lors que ces biens sont de quelque importance, serait-il raisonnable de songer à faire renaître une légitimité que fondaient les croyances religieuses, la durée d’une famille et le droit héréditaire ? [5]

**Le sauveur des idéaux de la République

Alors, pensera-t-on, le Comte de Paris n’est plus monarchiste ? — La réalité est moins tranchée. Le Prince, très Orléans en cela, a voulu récupérer la contre-tradition de sa lignée, l’image du « prétendant moderne ». Écoutons-le s’en expliquer (p. 118) :

Mon milieu sociologique était contre moi : il me tenait pour un prince révolutionnaire et ne manquait pas de Maurras, j’étais, décidément, le prince rouge. — Le qualitatif ne me déplaisait pas. Venant de milieu d’extrême droite, il marquait la distance qui me séparait du conservatisme, et ma volonté de dégager de nouvelles solutions politiques et sociales.

On aura retenu, en passant, l’assimilation de l’extrême droite au conservatisme, qui, en effet, prouve le peu de familiarité du Prétendant avec cette famille d’esprit, et la complaisance démagogique du propos.

Le Comte de Paris reste monarchiste, mais d’une façon très personnelle, et son rêve a toujours été de refaire une monarchie par les républicains puisque les monarchistes sont impuissants et que la réalité est devenue républicaine.

Il rejoint le thème de la « monarchie élective », exhumé par quelques « nouveaux philosophes » ces derniers temps pour faire leur cour à l’hôte de l’Élysée à la grande indignation des royalistes purs. « Le principe que j’incarne peut être précieux même en République », confiait-il, en 1956, à son biographe officieux [6].

Dans une édifiante interview à l’hebdomadaire italien Espresso, en septembre 1957 [7], il ajoutait : « Je sais bien que si je devais ma position seulement au hasard d’une longue histoire, cette position ne serait presque rien ». Mais, disait-il encore,

je crois être l’homme le plus apte à sauver les idéaux de la République.

Le Comte de Paris s’est efforcé de se rendre sympathique à la classe politique dirigeante, afin d’être accepté comme l’ultime recours de la démocratie en cas de catastrophe nationale. Pour y parvenir, il a fait à peu près toutes les concessions possibles et imaginables : sa monarchie ne serait qu’un perfectionnement de la République.

Cette monarchie ne brille pas par l’originalité : en 1948, proposant l’« esquisse d’une Constitution démocratique et monarchique », il expliquait que celle de 1946 « serait maintenue en vigueur », sauf quelques modifications de détail, timidement référendaires [8] : dans un « rapport sur l’avenir de la France au général De Gaulle » d’août 1966, à côté de plates flagorneries au chef de l’État en place (« Aucun homme n’a jamais atteint et n’atteindra jamais, par le seul élan de son patriotisme et la force de sa volonté, à la hauteur souveraine où se situe le général de Gaulle qui, pour tous les Français et pour le monde, est la pure image de la patrie. »), il précisait :

La Constitution de 1958, réformée en 1962, doit être conservée intégralement. […] On se gardera d’oublier que cette Constitution a été voulue par une très forte majorité de Françaises et de Français, il nous faut donc ne rien changer ni à la lettre, ni à l’esprit de nos institutions, c’est-à-dire à la pratique qui en est faite par le général de Gaulle.

Dans ses Mémoires, il avoue candidement (p. 314) : « Sous aucune des trois républiques je n’avais pris le parti de l’opposition. »

Recours de la République, le Comte de Paris se veut même, désormais, le recours de la démocratie :

Je souhaite, déclare-t-il à Royaliste (n° 293, pp. 8-9), que la formule la plus démocratique possible soit instaurée en même temps que la monarchie. Le principe que j’incarne est un élément de sécurité, il garantit que la France évoluera vers un régime démocratique. En outre il est évident qu’il ne faut pas briser les institutions politiques mais y ajouter des structures de dialogue.

Très exactement, pour qui sait entendre, le Comte de Paris n’a plus de principe propre à représenter et il frappe de stérilité toute action royaliste.

Michel HERSON, ancien secrétaire général adjoint de l’U.D.R., l’un des (rares) gaullistes à authentifier la thèse du Prince, abondait dans le même sens en donnant son témoignage dans le Monde du 11 mai 1979 :

Ce dont il est question, en fin de compte, c’est de sauver la démocratie telle qu’elle apparaît — n’est-ce pas évident ? — mieux préservée par les monarchies, toujours plus nombreuses en Europe occidentale, que dans les républiques déjà livrées au totalitarisme à l’Est comme en Amérique latine, ou menacées de violence et d’arbitraire là où, encore parlementaires, elles laissent les divisions nationales s’étaler dans l’impuissance.

Tout cela constitue ce qu’on peut à bon droit, appeler un néo-orléanisme, mais n’a plus grand chose à voir avec la légitimité monarchique et la tradition royale historique de la France.

Le Comte Paris et le régime de Vichy

Bien qu’il soit discret sur son attitude durant l’Occupation — alors qu’une bonne moitié de son livre est une apologie du gaullisme —, il aurait pu ajouter qu’il ne fut pas non plus un très farouche opposant à Vichy. L’ancien (et futur) « dauphin de la République » aurait consenti à devenir celui du Maréchal.

Le 1er juillet 1941, il écrit à ses amis une circulaire aujourd’hui introuvable, mais dont Jean Bourdier a restitué quelques passages [9] :

Il y a un an, la France déposait les armes, vaincue et désemparée au point qu’on pouvait se demander si elle sauverait son indépendance et son unité séculaire. Un grand soldat, le maréchal Pétain, se voua à cette tâche sacrée.

Aux Français trompés, meurtris, il donna les premières paroles d’apaisement et d’espoir. La France s’est prise peu à peu à renaître... Incontestablement, la France vit, se reprend, se reconstruit sous la pensée et sous l’action du Maréchal.

Malgré les ruines, malgré les difficultés matérielles, malgré les embûches et les inerties, cet homme de la Providence a pu accomplir ce triple miracle d’éviter la disparition totale de notre patrie, de permettre au pays, par sa seule présence, de continuer à vivre, enfin d’engager la France sur les voies de ses grandes destinées traditionnelles en rompant avec les principes du régime déchu.

Il s’offrait à perpétuer par la monarchie l’œuvre du Maréchal :

Les pensées du Maréchal procèdent des mêmes inspirations que les nôtres. Il convient d’aider à leur diffusion et à leur défense... La propagande monarchiste doit soutenir et prolonger les enseignements du Maréchal.

Il y a peut-être mieux encore : Henri d’Orléans avoue être allé rencontrer Pierre Laval, le lendemain de son entrevue avec le Maréchal à Vichy, et à la demande de celui-ci. Mais cela se passait le 7 août 1942 : or, le 13 décembre 1942, dans une conférence de presse tenue à l’hôtel du Parc, Pierre Laval, malicieusement, tirait de sa poche une lettre du Prétendant datée du 16 novembre et en donnait lecture aux journalistes éberlués, ceux d’Action française y compris. Laval moquait la “loyauté” du Prince qui lui écrivait :

Je compte sur vous, Monsieur le Président, pour nous donner des certitudes que nous n’attendons plus de personne ici. [10].

Le Comte de Paris et Hitler

S’il faut en croire la caution de Martin Bormann, le Comte de Paris aurait également pris ses précautions du côté de Hitler qui l’atteste en ces termes :

Se rappelant sans doute que les princes électeurs allemands se faisaient couronner par les Français, le prétendant français au trône s’est adressé à moi après l’armistice, me faisant savoir qu’il se conformerait en tout temps aux lois allemandes. Quel manque de caractère ! [11]

À notre connaissance, le témoignage n’avait jamais été démenti lors de sa publication en Allemagne, puis en Angleterre et en France.

Rendant compte récemment de l’accueil trouvé dans la presse par les Mémoires d’exil et de combat, l’organe de la N.A.R., Royaliste, dans son n° 292 (p. 7) mentionne une allusion de M. Philippe Bouvard (qui nous avait échappé) de façon aussi dédaigneuse que vague :

Côté poubelle, enfin, signalons l’article faussement objectif de Philippe Bouvard qui a ramassé dans on ne sait quel caniveau la légende des contacts entre le Comte de Paris et Hitler. Bien sûr, le prince dément avec fermeté.

Notre intention n’est pas de colporter des ragots. Mais la référence que Bertrand Renouvin ignore, ou feint d’ignorer, existe : nous la lui donnons car elle nous trouble. Pourquoi un Martin Bormann irait-il forger un faux contre le Comte de Paris dont il n’avait cure ?

On aimerait connaître au moins le commencement de vérité de cette curieuse affaire.
Si le Comte de Paris a effectivement (et tardivement) démenti, dont acte, Martin Bormann n’est de toute façon plus en mesure de s’expliquer. Le Comte de Paris le peut. Mais il y a tant de palinodies chez ce prince pour se gagner les puissants du jour que celle-ci serait à peine plus invraisemblable que d’autres, solidement attestées, dont lui-même se fait moins pudiquement l’écho ...

Le Comte de Paris de l’après-guerre

**Comment réécrire l’histoire

On ne peut donc se départir d’un malaise lorsque le Prince, récrivant l’histoire, se montre si perspicace prophète du lendemain, si enthousiaste thuriféraire du gaullisme, et si méprisant censeur du vichysme. Si discret, aussi, sur les heures sombres de l’épuration où tant de ses amis furent frappés.

Voici son jugement dans Ici France du 15 novembre 1947 :

L’État français du maréchal Pétain, autocratie de droit où l’autorité était en fait détenue par une oligarchie capitaliste, joignait la confusion à l’arbitraire ...

Dans ses Mémoires, il parle du Maréchal avec commisération, et de son entourage maurrassien avec une rancune mal contenue :

Vichy non plus ne m’attirait guère. Sous les arbres du parc, près des sources thermales, c’étaient, pêle-mêle, les anciens d’ Action française et les hommes de droite, que la défaite avait encore davantage raidis, qui s’entassaient dans des palaces vieillots transformés en ministères, et qui exhortaient la France à la dignité, à l’acceptation du destin malheureux et au deuil de la démocratie exécrée. (p. 169)

Aller à Vichy à cette époque, c’était un peu me compromettre avec eux et rentrer dans les fourgons de l’étranger. ( ibid.)

Je donnai comme directive d’éviter de s’engager avec Vichy, et, le moment venu, de rallier les mouvements de résistance ou de les susciter" (p. 162).

**Une grande fermeté dans l’affaire algérienne

L’épisode le plus récent reste l’affaire algérienne. Là, les mémoires du Comte de Paris sont prolixes. Le Prince assure ses lecteurs qu’il a compris très tôt la nécessité de décoloniser, et que, dès juillet 1954, lors de sa première entrevue avec le Général (p. 247), il partageait avec lui cette conviction, de même qu’il avait admiré la « grande qualité intellectuelle et morale » de Pierre Mendès-France sur le même sujet (p. 238) !

Pourtant, dans une déclaration à L’Express (n° 32 du 26 décembre 1953), il affirmait péremptoirement que

la condition de la grandeur et de la prospérité française est la conservation de nos territoires d’outremer.

Aujourd’hui, il fait l’éloge de la politique gaullienne de décolonisation qu’il certifie avoir été « dans la droite ligne de celle que les Capétiens avaient poursuivie pour la construction et la grandeur de la France » (p. 282). Et, plus loin, il tire ce jugement :

Avec sa ténacité, son sens de la grandeur française, son souci des réalités nationales et internationales, de Gaulle avait su trouver le sentier étroit qui dégageait la France d’une impasse où s’épuisait, jour après jour, son prestige. Il la libérait pour des tâches nouvelles (p. 288).

Les textes parlent d’eux-mêmes et dispensent du commentaire. Les machiavéliens diront que le Prétendant sacrifiait la cause de l’Algérie française à l’espoir d’une restauration. Mais, supposé qu’il en soit ainsi — ce qui serait cher payer la restauration pour un prince se présentant comme désintéressé et tellement soucieux de ne pas verser le sang français ! —, force serait de reconnaître que cette mauvaise action fut un marché de dupes.

Car si, à tort ou à raison, le Comte de Paris crut aux assurances, verbales ou écrites du Général (« Le Prince peut désormais compter que moi en tout et pour tout » !), les résultats sont là, et De Gaulle n’a pas joué les Monk. Le Comte de Paris s’est compromis, il a prostitué ses principes en admettant qu’il en ait [12], il a gravement entaché la crédibilité de la monarchie sans obtenir l’ombre d’un commencement de réussite.

Le républicain

Sa compromission est allée loin : n’a-t-il pas songé à une candidature à la présidence de la République « sans former le moindre espoir de restauration monarchique » (p. 306) ? Se présenter, c’était, dit-il, « renoncer de fait et d’esprit à toute autre forme d’accession au pouvoir. C’était affaire d’honneur » !

Suit un exposé d’allégeance à la souveraineté populaire et au suffrage universel oracle des temps nouveaux :

Un chef suprême, en cette fin du XXe siècle, en France, ne peut et ne doit être que l’élu du suffrage universel. — Ensuite, il convient que le lien ainsi établi entre citoyen et pouvoir soit, de façon permanente, confirmé à intervalles réguliers, raffermi ... Du suffrage de millions de citoyens doit venir, plus que la légalité, la légitimité du mandataire (pp. 308-309).

Nul doute que Maurras ne se soit étranglé d’indignation dans sa tombe. Mais le Comte de Paris a autant d’allergie pour Maurras que pour Joseph de Maistre et le Comte de Chambord. Il avoue au contraire son inclination pour la démocratie chrétienne (p. 231), et pour un centre « étayé par les socialistes et les radicaux ».
Et il étale son mépris des contre-révolutionnaires, qui, assurément, le lui rendent avec intérêts.

Bilan politique du Comte de Paris

**Le bilan des multiples compromissions

Quel est donc, en définitive, le bilan politique du Comte de Paris ? Qu’apporte-t-il à l’idée monarchique, quelles perspectives laisse-t-il entrevoir ? Quel accueil a-t-il rencontré ?

Le bilan, tel qu’il se dégage de ses propos, de ses dernières déclarations à la presse, est bien mélancolique, parfois pathétique. C’est un évident constat d’échec à tous les plans. Le Prince porte « la blessure d’une vie déçue », exprime lassitude et désabusement.

Lui qui s’est voulu en position d’arbitre, de recours, de porteur d’un message historique à la disposition du pays, a dû, en réalité, se salir sans aucun bénéfice ; il a constamment choisi son camp, celui qui paraissait triompher, et s’est retrouvé non moins constamment berné, déconsidéré.

Ainsi a-t-il tour à tour répudié, après y avoir cru,
 l’Action française,
 le Maréchal,
 Laval,
 la troisième force,
 le Général enfin.

Tout cela pour aboutir, presque symboliquement, en septuagénaire blasé, à la gestion d’un institut de gériatrie.

**Un digne représentant de la tradition orléaniste

Sa tactique n’a jamais été brillante parce que sa stratégie était fausse, et qu’elle était foncièrement celle de l’orléanisme historique : depuis Égalité, depuis Louis-Philippe, les Orléans, « princes modernes », « intelligents » et cultivés, volontiers mémorialistes, impénitents arrivistes, tenaces ambitieux, se sont offerts comme incarnation de « la meilleure des républiques ».

Ils oubliaient seulement que, sur ce terrain, ils seraient toujours battus. Qu’a-t-on besoin, en France [13], d’un roi pour perfectionner la démocratie ? La République est, chez nous, la forme historique de la démocratie, et suffit amplement à la tâche.

Autre serait la vocation d’un monarque légitime : non point conforter les idoles de la tribu, flatter la classe politique, prendre le vent et l’air du temps, mais dénoncer courageusement les faux dogmes, les illusions du modernisme (qui sont, au demeurant, aussi incrustées à droite qu’à gauche). Il y aurait là, pour un jeune prince intelligent, ambitieux de servir, réactionnaire au sens salubre du terme - tel que le redécouvre en ce moment un Jean-Marie Paupert [14] -, une tâche exaltante. Mais à quoi sert de proposer au peuple le reflet de ses fantasmes et de ses routines ?

Ceux qui ambitionnent de guider les nations ne devraient pas se mettre à la remorque des modes passagères, que l’on prend toujours avec retard et inutilement. L’explication des échecs successifs du Comte de Paris tient pour une bonne part à cette démarche, typique de ses maîtres en démocratie chrétienne qui s’essoufflent toujours à prendre le train en marche et sont en retard d’une rame.

Pour prétendre arbitrer, il faudrait être indiscutable. Or, le Comte de Paris, l’histoire de ses tergiversations, de ses sincérités changeantes l’atteste, n’est jamais resté au-dessus de la mêlée.

Il a choisi, et, faute de réussir, on peut constater qu’il a tout perdu. Même en ses engagements gaullistes (un peu tardifs il est vrai), puisque l’héritage s’est partagé sans lui.

**Ma personne est tout, mon principe n’est rien

Ce faisant, il a voulu chasser un souvenir qui taraude les princes d’Orléans : celui du Comte de Chambord, ce « roi du grand refus » comme l’appelle dans un méchant livre le “duc” de Castries, héritier des grands notables du XIXe siècle qui combattirent impitoyablement Henri V [15]. Du moins le descendant de Charles X avait-il, à défaut d’être restauré, préservé son principe, gagné l’estime de ses adversaires, légué l’image d’une monarchie purifiée.

Que peut transmettre le Comte de Paris ?

Bien sûr, le Prince a désarmé beaucoup d’animosités ou de préventions contre sa personne. Mais en voulant mouler sa “légitimité historique” (d’ailleurs inexistante en droit strict, nous le savons de reste) dans une légitimité démocratique et populaire,
 il a perdu la notion même de royauté héréditaire.
 Il est devenu un candidat personnel au pouvoir,
 il a banalisé ses prétentions en s’alignant bon gré mal gré, sur d’ordinaires politiciens démocrates.
 Il a cherché à revenir dans les fourgons du gaullisme (après avoir tâté ceux de Vichy, et peut-être de l’Allemagne, et après avoir intrigué à Alger, avec toutes les communautés, franc-maçonne comprise [16], contre Darlan, sans autre résultat que de ternir une fois de plus le blason taché des Orléans) ;
 il s’est humilié sans convaincre.

Faute d’avoir osé représenter quelque chose par sa naissance, il s’est dépensé en pure perte. Ce n’était pas, d’ailleurs, humilité de roi mais orgueil d’ambitieux, même si l’ambition peut ici passer pour noble.

Le Comte de Paris s’est réinséré dans la classe politique de la démocratie française ; il s’est fait respecter d’elle (est-ce un réel succès ?), mais paradoxalement, le général De Gaulle qu’il encense l’a empêché de remplir le rôle de recours qu’il espérait. Le recours, ce fut De Gaulle. Et la République musclée qu’il a installée coupait l’herbe sous les pieds du Prétendant. Le gaullisme n’a pas aidé le Comte de Paris ; il a, au contraire, retiré tout intérêt à l’accommodement qu’il proposait. Et il a finalement stérilisé l’action monarchiste puisque les contre-révolutionnaires sont désavoués par lui, et que les jeunes néo-orléanistes deviennent un simple appendice du gaullisme de gauche ou du réformisme.

**La vaine attente de la grande catastrophe

René Johannet, dans l’article précité des Écrits de Paris, faisait encore très justement observer que les espoirs du Comte de Paris reposaient sur l’explosion d’une grande catastrophe nationale. Ce que confirment ses déclarations à Pierre Desgraupes dans Le Point (n° 342 des 9-15 avril 1979) :

Les Français ne peuvent aller à la monarchie ou appeler la monarchie que s’ils en ont besoin comme d’un recours. Il faudrait donc imaginer une situation d’angoisse, de difficultés. Parce que, tant qu’on est sur la route tranquille du bien-être et de la satisfaction générale, il n’y a évidemment pas de raison de changer de régime.

Acceptons l’espèce : mais alors, objectait Johannet avec bon sens, si catastrophe il y a, ira-t-on chercher à sauver les idéaux du régime de faillite ?

En sortant d’une épidémie de choléra, quel médecin essaiera de se faire une clientèle en se vantant d’avoir perfectionné le choléra ?

Les errements juridiques de l’orléanisme

**Le Comte de Paris désigne son « successeur »

Plus grave, probablement, pour la confusion des idées royalistes : le Comte de Paris vient de placer les errements juridiques de l’orléanisme à leur comble par suite d’échecs familiaux qu’il porte sur la place publique.
Depuis quelques années, déjà, il avait émis la prétention, contraire à toutes les traditions matrimoniales de notre Monarchie, d’autoriser (ou de refuser) les mariages de ses enfants. Ainsi a-t-il décidé d’écarter tels de ses fils et petits-fils de sa succession.

On se demande de quel droit. Le morganatisme, la doctrine des mariages inégaux, n’a jamais eu lieu en France (Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, confronté violemment à ce roi, en savait quelque chose !) [17]. Par ce biais, il serait trop facile au souverain, une fois encore, de violer le principe majeur de l’indisponibilité de la Couronne. Visiblement, les orléanistes ont mal assimilé cette loi fondamentale.

**Le Comte de Paris contre l’hérédité

Le Comte de Paris va maintenant ouvertement plus loin. Toute la France sait que son fils aîné a quitté son épouse la princesse Marie-Thérèse, en abandonnant ses cinq enfants dont deux sont anormaux. Le Comte de Paris a quelques bonnes raisons de s’en offusquer [18]. Mais il n’est pas fondé à remettre en question l’hérédité par primogéniture. Or, voilà précisément ce qui ressort de ses propos au Point, au Figaro magazine ou à Paris match au moment du lancement de ses mémoires.

Devant Pierre Desgraupes, il déclare nettement qu’il ne faudrait pas revenir à l’hérédité :

J’estime que le pouvoir use énormément et que personne, aucune famille ne pourra jamais garantir à la nation que, de génération en génération, la volonté et la capacité du successeur seront identiques à celles du prédécesseur, en admettant qu’elles aient été bonnes.

Et il conclut qu’on devrait choisir dans la famille « le successeur le plus désigné par ses qualités », précisant, avec « une angoisse réelle », que son fils aîné n’a pas « la même vocation », « les mêmes aspirations » que lui.

À Louis Pauwels, du Figaro magazine, il expose des idées du même genre :

La monarchie héréditaire pose un problème : les générations futures auront-elles la même ambition les mêmes capacités ? Or, nous devons garantir à la nation une continuité de valeur et de qualité. C’est pourquoi, si j’étais appelé, l’une de mes premières préoccupations serait... de trouver, pour continuer l’œuvre que j’aurais entreprise, le plus méritant parmi mes successeurs... Il faudrait donc trouver un nouveau mécanisme de désignation. Peut-être un Conseil d’État. Il est certain que le peuple a son mot à dire dans une monarchie élective, et c’est bien ainsi : la succession ne doit pas être une affaire de famille qui se règle entre père et fils, mais une grande affaire nationale.

**Des élucubrations qui décrédibilisent la monarchie

" On ne choisit pas son Roi !" : les orléanistes ont bonne mine quand ils se targuent de cette incontestable vérité, mais seulement après avoir choisi, en négation du vieux droit, la famille d’Orléans, et alors que le Comte de Paris, pour ce qui le concerne, invite les Français à "choisir le plus méritant" !... Décidément, on voit de moins en moins pourquoi déroger à la règle traditionnelle de primogéniture pour faire le jeu d’un prince si peu orthodoxe.

Tout cela est assez effarant pour des royalistes tant soit peu au courant des coutumes successorales. Que l’on rencontre des élucubrations dans une presse particulièrement mal informée des questions dynastiques pourrait s’admettre ; mais que le chef de la branche d’Orléans, prétendant au trône de France, vienne cautionner autant de fantaisies qui sont la négation même de la monarchie française traditionnelle, est d’autant plus grave que ce prince passe aux yeux du public pour l’interprète autorisé de la tradition.

L’avis de ceux qu’il a courtisés

De surcroît, la navrante intrigue gaulliste du Comte de Paris a entraîné des appréciations à peine courtoises de la part de personnalités proches du Général : "Ces mémoires, écrit Pierre Lefranc dans Le Figaro du 20 avril 1979,constituent la description d’une grande illusion et d’une non moins grande désillusion".
Le Prince "connaissait bien mal, et pour tout dire n’avait pas compris son interlocuteur".

Michel Debré, dans Le Point, pense que De Gaulle "ne voyait sûrement pas l’avenir prévisible comme le Comte de Paris paraît l’avoir envisagé".

Maurice Couve de Murville, dans France-soir des 8-9 avril :

Il doit y avoir dans cette affaire une large part de malentendu, comme on dit en style diplomatique.

Et Jacques Soustelle, encore moins diplomatiquement, au même journal :

J’ai toujours eu la conviction que De Gaulle menait en bateau le Comte de Paris pour neutraliser les éléments d’une certaine droite traditionaliste et royaliste — et il y en avait beaucoup dans l’armée.

Dominique Jamet, dans L’Aurore du 16 avril :

L’affirmation tardive du Comte de Paris semble plus que sujette à caution pour ne pas dire totalement invraisemblable, bref mensongère... À soixante-dix ans, ce prince qui ne nous gouverne pas brûle toujours de faire don à la France de sa royale personne. Il peut se la garder, en réserve de la République, comme on dit.

En son style propre, Libération qu’affectionnent tant les jeunes orléanistes de la N.A.R., titre sur "un comte à dormir debout" et parle aimablement d’une "vieille ganache gâteuse, curieusement dotée d’un physique de rastaquouère" :

Monseigneur est prêt à brader toute sa légitimité pour un strapontin. Monseigneur est à vendre, il n’a même pas la grandeur des principes inutiles.

Insolente et blessante vérité !...

De l’échec de l’orléanisme

Avec le secours des média de la République (Marianne doit bien cela aux Orléans), les Mémoires du Comte de Paris connaitront certainement un honorable succès de librairie. Mais en dépit de toutes ses "braderies", le Comte de Paris vieillissant pourra-t-il jamais faire le "poids" démocratique qu’il ambitionne ? On en doute, et on déplore qu’il ait voulu soumettre l’héritage historique dont il se réclame au tribunal de l’opinion.

Le Comte de Paris et les princes d’Orléans sont français sans interruption, cela est entendu ; il n’empêche que ce prétendant, qui, d’ailleurs, ne prétend pas vraiment ou très confusément, connaît fort mal la vraie nature de la monarchie nationale. Il enregistre sans esprit critique la légende révolutionnaire, exalte "89 et 93", et déserte ostensiblement (comme l’y inclinaient les habitudes de sa famille) le combat contre-révolutionnaire. Pour finir, il avoue, avec une émotion mal contenue, son échec familial, l’indifférence politique et l’oisiveté de ses enfants.
Mais cet échec personnel n’est pas celui de la tradition monarchique française. Il n’est, et ne peut être, que celui de l’orléanisme, au sens spécifique du terme.

La branche d’Orléans peut bien abandonner l’héritage de Louis-Philippe sans mettre à mal le royalisme. Elle est toujours partie intégrante de la Maison de France (ou de Bourbon) ; elle n’en est pas la tête, ni l’expression politique.
Il faudra bien demain, s’en souvenir pour reconstruire et continuer. Les fidèles du Comte de Paris ne sont pas tous, loin s’en faut, des orléanistes, la plupart sont des "fusionnistes", persuadés d’accomplir un devoir de légitimistes en reconnaissant, avec répugnance celui qu’on leur a présenté comme "le chef de la Maison de France".

Pareillement, déjà, en 1883, Joseph Du Bourg, l’homme lige d’Henri V, s’inclinait la mort dans l’âme devant Jean III de Bourbon-Anjou, libéral et franc-maçon dit-on, néanmoins "héritier nécessaire" des rois très-chrétiens. En 1940 — les Mémoires du Comte de Paris le confirment — Charles Maurras refusa de rencontrer le prince qui l’avait défié en faisant savoir qu’il "défendait l’héritage contre l’héritier".

L’avenir appartient au prince légitime : le Duc d’Anjou

Double paradoxe :
 la politique des princes d’Orléans a toujours constitué la meilleure propagande des légitimistes ;
 la passivité ou la timidité de la branche aînée a permis la durée de l’usurpation orléaniste.

Il est pourtant possible de sortir de l’ornière. Grâce au Comte de Paris qui aura poussé jusqu’à ses ultimes conséquences la logique de son système, l’orléanisme se meurt.

L’avenir du royalisme français appartient au Duc d’Anjou, désormais débarrassé de l’hypothèque espagnole. C’est à lui qu’il incombera, et à ses fils après lui, s’il plait à Dieu, de relever l’espérance. Les royalistes français peuvent et doivent aider ce jeune prince qui a eu, à ce jour, le mérite de se garder avec une sage prudence, de toute initiative intempestive. Il avait devant lui un néant politique. Le nom qu’il porte, dont il sait tout le poids, lui interdisait les aventures ridicules ou folkloriques. Cette réserve, qui n’est ni scepticisme, ni renoncement, le laisse intact pour l’heure du destin.

L’orléanisme a souhaité rompre avec la tradition pour se faire accepter de la démocratie ; la monarchie légitime garde pour tâche et mission de rompre avec le conformisme de la démocratie moderne afin de renouer avec la tradition et les sources vives d’une doctrine créatrice.


Voir en ligne : Institut des Sciences Historiques


[1Il s’agit, bien sûr, du prince Victor-Napoléon, prétendant bonapartiste, qui passait pour presque aussi "rouge" que le pittoresque Napoléon (Jérôme), dit “Plon-Plon”.

[2Philippe DU PUY de CLINCHAMPS, Le royalisme, Paris (Que sais-je n° 1259), 1967, p. 101.
« On est frappé, en lisant les Mémoires du Comte de Paris, de constater combien sa critique de Maurras (qu’on aurait pu, après tout, mener en profondeur), reste superficielle pour en pas dire jalousement mesquine. Le vrai reproche du Prince à celui qui lui a pourtant permis de garder un certain relief dans la France contemporaine est d’avoir porté ombrage à la Maison de France ! »

[3Mémoires, p.75

[4ibid., p. 86

[5La constatation du Comte de Paris, provocation mise à part, ne manque pas d’une certaine pertinence. C’est "un prince du XXe siècle" dira aimablement Gilbert COMTE dans sa recension du Monde (16 avril 1979). Mais ne passe-t-on pas, une fois de plus, à côté de la question véritable qui est de savoir s’il convient à celui qui se pose en « chef de la Maison de France » d’opter pour le système ou pour la Contre-Révolution ?
Pierre DEBRAY, concluant une série d’articles remarqués dans le mensuel Je suis Français (n° 18, mars 1979), écrit :
« Il serait utopique de prétendre rétablir l’hérédité biologique de façon durable à la tête de l’État alors qu’elle disparaît progressivement au profit de l’hérédité sociocratique dans le domaine économique, et que, sous le couvert de la démocratie, une oligarchie s’est emparée tout à la fois des partis politiques, des banques et des grandes entreprises. C’est tout un système qu’il faut commencer par casser, une révolution qui s’impose pour chasser la féodalité qui opprime la nation... Rétablir la monarchie sans un prince résolu à détruire le système et un mouvement populaire décidé à le soutenir, relève d’une mystification dont le seul effet serait d’abolir, pour toujours, l’idée monarchique. (C’est nous qui le soulignons). »

[6Merry BROMBERGER, Le Comte de Paris et la Maison de France, Paris, 1956, p. 104.

[7Largement traduit dans Rivarol, n° 349 du 19 septembre 1957, d’après lequel nous citons.

[8Cf. Raison garder, publication du secrétariat politique du Comte de Paris, Paris, 1950, p. 247.

[9Cf. Jean BOURDIER, Le Comte de Paris, un cas politique, pp. 87-88.

[10Cité dans Renée Pierre GOSSET, Expédients provisoires, Paris, 1945, p. 243, en note.

[11HITLER, Libres propos sur la guerre et la paix, recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, traduction française, Paris, 2, 1954, p. 317.

[12BARBEY d’AUREVILLY disait : « Les Orléans, que sacrifieraient-ils de leurs principes, ils n’en ont pas ! » (“La fusion”, La Mode du 10 août 1850).

[13Le Comte de Paris ne manque pas d’illustrer sa conception du recours à la monarchie démocratique par le bel exemple espagnol. On est fondé à trouver cet exemple peu probant et médiocrement honorable pour les Bourbons. Mais, de surcroît, la situation de la France est incomparable : elle ne sort pas du franquisme : tout au plus lui faudrait-il sortir de la République, ce qui n’est pas exactement la même démarche que celle d’outre-Pyrénées...

[14Cf. Jean-Marie PAUPERT, Péril en la demeure, récits et rétractations, Paris, éditions France-Empire, 1979, notamment pp. 231-234, 272-280. Beaucoup de remarques tonifiantes d’un progressiste repenti, et qui ose le dire. Son propos est d’Église, mais il est aisément extensible au conformisme politique (qu’il nomme « connivence »). Que l’on nous permette de citer rapidement. Page 232 : « Puisque nous avons le malheur de vivre en un temps de stérile hostilité interdisant toute création doctrinale, morale, artistique, conservons du moins ce que nous a légué le passé fructueux. Puis, vomissant le monde, peut-être pourrons-nous recréer ».Page 234 : « Croyez-vous qu’on ait besoin de vous, qu’on attende après cette mauvaise doublure que vous rêvez d’être de l’humanitarisme progressiste, libertaire et vaguement socialiste ? Vous ne faites que bêler avec les moutons que l’on mène à l’abattoir... »
Page 274 : « Ce recours nécessaire et vivifiant aux racines, ce retour salutaire et rafraîchissant aux sources par quoi je caractériserais volontiers la réaction (c’est-à-dire le vrai progrès, puisque nous sommes aujourd’hui dans l’impasse)... »

[15Cf René de la Croix, comte (dit, à tort, duc) de CASTRIES, Le grand refus du Comte de Chambord, Paris, 1970.

[16Cf. les Mémoires, p. 195 : ... « Non seulement je réclamais le concours des conseillers généraux légalement mandatés représentant (sic) élus des trois départements, mais je désirais m’assurer l’agrément des personnalités les plus représentatives des communautés arabes, juives, chrétiennes et franc-maçonnes. »
En ce qui concerne sa participation à l’assassinat de l’amiral Darlan, le Comte de Paris vient de démentir catégoriquement tout en concluant de façon prudente son récit : « Ma conviction profonde est qu’il est impossible... de faire porter sur l’un ou l’autre des acteurs, et ils étaient nombreux à Alger, l’entière responsabilité. Tous y ont leur part, plus ou moins directe » ( Mémoires, p. 220). Or, Henri d’Orléans était un des acteurs de l’imbroglio d’Alger. Et il a dialogué à la télévision française, sans indignation apparente, avec M. Ragueneau qui avoue hautement son rôle dans l’assassinat. Chacun sait, d’autre part, que le Comte de Paris, en 1942, reçut à Alger Henri d’Astier et l’abbé Cordier qui poussèrent le jeune Bonnier de la Chapelle à supprimer Darlan. Robert POULET suggère, dans Rivarol (n° 1472 du 26 avril 1979) cette interprétation de bon sens : « La version la plus probable est que les propos du Prince, dictés par son impatience de conspirateur, se heurtant à l’obstacle d’une personne, eurent le caractère d’un souhait fervent qui, à tort, fut compris comme une consigne formelle par ses interlocuteurs. »

[17Sur le "morganatisme", voir l’article de Paul WATRIN dans La Science historique, t. XXX, 2e semestre 1935, pp. 65-71.

[18Dans Paris match (n° 1560 du 20 avril 1979) il confie à Vick Vance : « Mon fils aîné mène une vie que je regrette et qui est parfaitement oisive. Il a une femme charmante et il a cinq enfants dont deux handicapés. Je ne critique pas mon fils de vivre avec quelqu’un d’autre. On peut faire ce qu’on veut, mais on ne laisse pas tomber sa famille et surtout les enfants malades. On n’a pas le droit. Je ne pardonne pas ça. »