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Robert le Fort ancêtre de la dynastie capétienne, par Jean FOYER de l’Institut (1921-2008)

Le héros de la bataille de Brissarthe

lundi 19 octobre 2009, par ISH

N’en déplaise aux nationalistes, c’est bien la volonté politique qui est à l’origine d’une nation, et non l’inverse. De même, l’institution politique n’a jamais été l’expression d’un quelconque génie national, mais celle-ci s’efforce de rassembler des peuples hétérogènes pour former une Cité.
Jean FOYER, agrégé de Droit, académicien, ancien ministre de la République converti au légitimisme, grand défenseur des droits de Louis XX devant les tribunaux, revient ici sur les origines de la dynastie capétienne et celles la France.

Introduction de Vive le Roy

Texte de la conférence faite en l’église de Brissarthe le 5 septembre 1987 et paru dans le N° VII de la revue Mémoire du 1er trimestre 1988.

AVERTISSEMENT : Des inter-titres marqués [VLR] ont été ajoutés par la rédaction de VLR au texte original pour faciliter la lecture en ligne.


Introduction

Monseigneur, [1]

En cette année 1987, la France entière célèbre le Millénaire, le millième anniversaire de l’avènement du roi Hugues. L’Anjou s’est souvenu que la dynastie la plus illustre de l’Europe et sans doute du monde, était entrée dans l’histoire un siècle auparavant, en la personne de son comte Robert, mort à Brissarthe, en combattant les Normands. Il a voulu célébrer Robert et son combat, au lieu même qui en fût le théâtre.
Les organisateurs et la population ont souhaité que les cérémonies fussent présidées par le chef de la branche aînée de la famille capétienne, qui porte aujourd’hui le titre que le premier, Robert porta dans sa maison.
Descendant de Robert le Fort et d’Hugues Capet, de saint Louis, d’Henri IV et de Louis XIV, vous avez bien voulu Monseigneur, être à Brissarthe ce soir. Votre présence nous fait le plus grand honneur et nous en sommes reconnaissants à Votre Altesse Royale.

Madame, [2]

Vous êtes Vous la descendante de Robert et d’Hugues et celle de Charles X, le dernier de nos rois. Vous êtes vraiment la fille de nos rois. Vous poursuivez l’œuvre charitable de saint Louis par vos actions au secours de l’enfance, et des chrétiens du malheureux Liban. Nous présentons à Votre Altesse Royale nos plus respectueux hommages.

Monsieur le Ministre, [3]

Monsieur le Préfet, [4]

Monsieur le Président, [5]

Mesdames & Messieurs les Conseillers régionaux & généraux,

Mesdames & Messieurs les Maires,

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

« Les vrais hommes de progrès », a écrit Renan — que vous m’excuserez de citer dans une église —, sont ceux qui ont « pour point de départ un respect profond du passé. » Voilà qui nous justifie d’évoquer ici ce soir Robert le Fort, sa personne, son combat et sa fin.
Qui était donc Robert, qui sera appelé le Fort ?

La famille de Robert le Fort

**Origines lointaines [VLR]

Un Rhénan, appartenant à une très grande famille, qui naît au début du IXe siècle. Sa famille et les origines de Robert, nous les connaissons mieux depuis les travaux du professeur Werner et du baron Pinoteau.

La famille des Robertiens était déjà en charge de grands emplois et d’importants commandements au temps des rois mérovingiens. On la voit d’abord dans la Neustrie, c’est-à-dire dans la région entre la Seine et la Loire. Puis on la retrouve sur le Rhin, entre Worms et Mayence.

Cette famille a compté parmi ses membres le fondateur de la grande abbaye de Lorsch, proche de Mannheim, et saint Chrodegang, évêque de Metz, qui institua les chanoines. Robert sera le cousin de la reine Ermentrude, épouse du roi Charles le Chauve.

**Un père comte [VLR]

Le père du futur comte d’Anjou, comme tous les aînés de la lignée, s’appelait lui aussi Robert. Il meurt étant comte de Worms.

Dans l’empire carolingien, la principale division du territoire est le pays, en latin pagus, dont l’étendue correspond tantôt à celle de nos modernes départements, tantôt à celle de plusieurs de nos départements, tantôt à celle d’un territoire bien plus restreint.

À la tête de chaque pagus, est placé un comte, nommé par le roi ou l’empereur, aux temps de Charlemagne et de son fils.

Le mot latin cornes, qui a donné comte, signifie compagnon. Le comte est un compagnon du roi. En un temps où ne sont connues ni la séparation des fonctions administratives et judiciaires, ni celles du pouvoir civil et du pouvoir militaire, le comte réunit en ses mains un faisceau de pouvoirs. Disons, sans trop redouter le reproche d’anachronisme, que le comte est à la fois, au sens moderne, le préfet, le président du tribunal et le commandant militaire.

Sa naissance

Nous ne connaissons point la date exacte de la naissance de Robert, mais nous connaissons celle de la mort de son père, 822. De là, on peut conclure que notre Robert a dû naître durant la décennie 810-820, durant les dernières années du règne de Charlemagne, mort en 814, ou durant les toutes premières années du règne du fils de Charlemagne, Louis dit le Pieux.

L’un des événements capitaux de l’histoire de l’Europe détermine le destin de Robert et de sa lignée, alors qu’il a entre vingt-cinq et trente ans : le traité de Verdun.

Le traité de Verdun. Robert le Fort passe à la France occidentale

Au temps des rois mérovingiens et des rois carolingiens, le royaume était considéré comme la propriété personnelle du roi. À la mort du roi, ses fils, s’il en laissait plusieurs, se partageaient le royaume, et souvent le partage était la conclusion de guerres. Les partages au surplus n’étaient pas durables. La mort ou la défaite d’un ou de plusieurs rois rétablissait périodiquement l’unité du patrimoine.

Louis le Pieux, lors du décès de Charlemagne son père, en 814, avait trois fils, Lothaire, Louis et Pépin.

Dès 817, l’empereur essaye de régler sa succession par une sorte de partage d’ascendant. Mais, étant veuf, il se remarie avec une princesse de Bavière, Judith, dont il a un fils, Charles, qui sera appelé le Chauve, né en 823.

De ce moment Judith tend à faire tailler un royaume au profit du petit Charles, que les frères aînés cherchent à éloigner de la succession. C’est le début d’une suite lamentable de guerres des fils contre leur père, et des frères les uns contre les autres. En un temps, l’aîné, Lothaire, ira jusqu’à déposer son père.

À la mort de Louis le Pieux, en 840, Pépin est déjà mort, et les autres frères seront d’accord au moins sur un point, l’élimination du fils de Pépin.

Entre ceux-là, un renversement des alliances s’est produit. Contre Lothaire, de plus en plus insupportable, Louis, qui sera appelé le Germanique, et Charles, se sont réconciliés. Ils prêtent, en 841, le fameux Serment de Strasbourg, premier texte en langue française que nous connaissons.

L’année suivante, en 842, à Fontenoy-en-Bourgogne, Louis et Charles infligent une défaite à l’armée de Lothaire.

L’aîné se résout à convenir avec ses frères d’un partage, qui est l’objet du traité de Verdun, en 843.

De l’empire de Charlemagne, qui avait à peu près les dimensions de l’Europe des six, telle qu’elle était lors de la signature des traités de Rome le 25 mars 1957, les petits-fils du grand empereur font trois lots.
L’ensemble s’appelle encore tout entier, le royaume des Francs, regnum Francorum, la Francia.

 Louis est alloti de la partie située à l’est du Rhin, la France orientale, Francia orientalis, qui reprendra bientôt le vieux nom de Germanie. C’est l’actuelle République fédérale d’Allemagne, moins la rive gauche du Rhin.
 À Charles est attribuée la France occidentale, la Francia occidentalis, la seule qui conservera le nom de France, c’est la nôtre. Elle était alors limitée par l’Escaut, le cours supérieur de la Meuse, la Saône et une ligne passant à une quarantaine de kilomètres du Rhône, sur la rive droite de ce fleuve.
 Entre les deux, le royaume de Lothaire, le Lothari regnum, dont les Allemands ont fait Lothringen et nous Lorraine. Ce royaume s’étend vers l’est sur la Suisse actuelle et la partie occidentale de l’Autriche, et au sud sur la partie septentrionale de l’Italie. Ces terres seront, pour mille ans, des pommes de discorde. Lothaire reçoit, en outre, le titre d’empereur.

Il eût été naturel que Robert, le Rhénan, demeurât attaché à Louis le Germanique ou à Lothaire. Il préféra passer au service de Charles. De cet instant et pour toujours, Robert et sa famille allaient appartenir à l’histoire de la France.

Le roi Charles gratifia Robert de biens appartenant à l’église de Reims. Ces biens, le grand archevêque que fût le terrible Hincmar les récupérera, mais ne pardonnera jamais à Robert de les avoir acceptés. Bien peu chrétiennement, il le poursuivra de sa vindicte au-delà de la mort.

Bientôt l’ascension de Robert sera liée à la résistance, aux invasions des Normands qui avaient commencé depuis des décennies et qui s’intensifient au milieu du IXe siècle.

Les invasions normandes

**Les terribles Hommes du Nord [VLR]

Les Vikings, habitants de la Scandinavie, Norvégiens et Danois, que nos pères ont appelés les hommes du Nord, les Normands, sont des envahisseurs qui empruntent les voies d’eau, la mer et les fleuves. Hardis navigateurs, ils sont des génies en fait d’architecture navale. Leurs navires, dont un musée d’Oslo conserve plusieurs exemplaires intacts, ne sont pas seulement des modèles d’élégance, ils témoignent que leurs constructeurs avaient découvert intuitivement les lois de l’aérodynamique et de l’hydrodynamique. De lignes effilées, ces navires peuvent remonter loin dans le cours des fleuves et rivières avec un faible tirant d’eau. « Le seul moyen de leur résister eût été une marine puissante » (F. Lot). Elle n’existait point.

Avec une audace surprenante, les Vikings ont conquis l’Islande, contourné les îles Britanniques par l’Ouest, longé les côtes de France et d’Espagne, et vont descendre jusqu’en Méditerranée. Ils pénètrent inopinément dans les estuaires. Ils semblent avoir eu de bons services de renseignements et une connaissance étonnante de la géographie.

Durant une première période, les Normands n’empruntent guère que la voie d’eau. Elle leur suffit pour remonter très haut dans le cours de la Seine.
Dans la Loire, l’été, ils ne peuvent remonter bien au-delà de l’estuaire. Ils aménagent un port dans l’île qui est située au droit de Saint-Florent-le-Vieil et qui, depuis leur temps, porte le nom d’Ile Batailleuse. Lors de la grande sécheresse de 1976, des archéologues conduits par M. de Dreuzy ont relevé, au bord de l’île, des vestiges incontestables
du port des Normands. Ceux-ci se trouvent si bien dans l’estuaire, qu’ils y resteront durant dix ans. Ceux-là étaient des Danois.

Ayant amarré leurs barques et les plaçant sous bonne garde, ils passent sur les rives, ils réquisitionnent — plus exactement ils volent — chevaux et chariots et pénètrent à l’intérieur des terres, empruntant ce qui reste des voies romaines plus ou moins entretenues. De ce moment, ils s’adaptent au combat à cheval qui est celui des Francs.

Les expéditions des Normands sont ce qu’on appellera plus tard et sur d’autres continents, des razzias. Ils sont des pillards en quête d’objets et de métaux précieux, qu’ils emportent et dont ils font commerce. Ils font — à une plus grande échelle — ce que font les cambrioleurs qui pillent nos maisons et alimentent, par leurs rapines, des commerçants étrangers peu scrupuleux.

Les Normands ne sont pas des doux. Ils se livrent à toutes sortes de violences et infligent à l’occasion des supplices atroces. L’histoire a gardé le souvenir du supplice de l’aigle de sang, infligé au roi de Northumbrie, Ella, dont les Normands brisèrent les côtes dorsales à coup de hache, et arrachèrent par le dos les poumons.

Dans le royaume carolingien, les Normands font régner une insécurité qui sera fatale aux successeurs de Charlemagne. Aucun pouvoir n’a été durable dès lors qu’il s’est révélé incapable de remédier à l’insécurité de ses sujets.

Les abbayes, qui ont été comblées à l’époque de legs et de fondations, déménagent les reliques des saints et les vases sacrés. Les moines de Saint-Philbert-de-Grandlieu iront jusqu’à Tournus après s’être arrêtés à Cunault.

Devant le péril les petites gens s’enfuient où ils peuvent. Pour se garantir, les paysans libres se placent sous la coupe de grands propriétaires.

C’est l’époque à laquelle l’Église ajoute,
 aux litanies des saints, la supplication : A furore Normannorum, libéra nos, Domine (de la fureur des Normands, délivre-nous. Seigneur),
 et à l’hymne des vêpres de la Toussaint, la strophe : Auferte gentem perfidam credentium definibus (Eloignez la nation infidèle — les Normands, loin des frontières des croyants).

**Le gouvernement carolingien fragilisé [VLR]

Devant le péril qui se renouvelle, puis devient permanent, la faiblesse de la défense donne la mesure de la décomposition du royaume des Francs, malgré l’acharnement de Charles le Chauve, souverain trop méconnu, qui était lucide et courageux.

L’armée du roi est conçue principalement pour l’offensive. Elle n’est pas une armée permanente. Elle est d’abord peu efficace contre les raids des Normands.

Lorsque le roi, qui réside dans le nord-est de la France actuelle, est informé d’une incursion des Normands au Mans ou à Tours, il y a belle lurette que les envahisseurs sont répartis, le saccage consommé et le pillage accompli. Le roi n’a pas eu le temps de convoquer l’ost qui manque de formation et d’esprit combatif « qui est une milice, presqu’une garde nationale, plutôt qu’une armée » (Flot). Il arrive, comme à Melun, qu’elle refuse le combat alors qu’elle est en force, ou qu’elle se débande au premier choc dès qu’elle rencontre une résistance.

Vers le milieu du IXe siècle, le royaume semble livré à l’anarchie.
 Les Bretons sont pratiquement indépendants,
 l’Aquitaine, aux mains d’un neveu du roi, n’en est pas loin.
 Loin de se rassembler devant le péril commun, les grands cherchent à profiter des difficultés du roi.
 Il arrivera que ses frères envahiront le royaume quand Charles sera aux prises avec les Normands qui, avec une très grande habileté, tirent parti de ces dissensions internes.

Les Normands heureusement ne forment pas toujours, eux non plus, un front uni.
Cependant, les défaites sont pour les Francs, durant une longue période, plus fréquentes que pour leurs adversaires. Souvent la seule ressource consiste à payer les Normands pour qu’ils s’en aillent. Détestable méthode : le payement est un encouragement à revenir.

En 863, Charles essaye de rallier les Bretons par une concession territoriale. Il leur cède la partie occidentale de l’Anjou jusqu’à la Sarthe. Fait important, qui explique, je le dirai tout à l’heure, le choix de Brissarthe par Robert le Fort pour y livrer bataille, trois ans plus tard.

Il est temps de revenir à Robert.

Robert le Fort, comte et marquis

**Robert le Fort, protecteur de la Neustrie [VLR]

Le roi Charles le Chauve, devant la menace normande, a eu les réactions de tout pouvoir central auquel les commandes répondent mal : s’en remettre à ses agents territoriaux qui jouissent de sa confiance.

An 852, le roi nomme Robert, comte d’Anjou et de Touraine. À ces deux comtés, il ajoutera plus tard ceux d’Orléans et de Blois.

Robert a la garde du cours de la Loire de l’Orléanais jusqu’à l’estuaire. En outre, il reçoit, avec le titre de marquis, la charge de protéger toute la Neustrie, c’est-à-dire le territoire compris entre Seine et Loire à l’exception de la Bretagne, contre les Normands.

À cette fin, les autres comtes neustriens lui sont subordonnés. Des ressources lui sont nécessaires. Le roi le nomme abbé laïc des deux grandes abbayes tourangelles, Marmoutier et Saint-Martin.

Nous n’avons pas le moyen de suivre ce soir dans toutes ses péripéties une histoire compliquée, dans laquelle des dates émergent.
 856 est l’année de la grande invasion des Normands par la Seine.
 858 celle des défections. Tandis que le roi Charles est victorieux des Bretons et des Normands, son frère, Louis le Germanique, l’attaque. Une grande partie des grands, dont Robert, reconnaissent Louis comme roi. Charles n’aura le dessus qu’avec l’aide de l’archevêque Hincmar et de l’Église.
Charles le Chauve est encore assez fort pour prendre des sanctions. Robert est « limogé », dirions-nous aujourd’hui. Il est investi de comtés bourguignons et remplacé dans l’Ouest par le fils aîné du roi, Louis dit le Bègue. Le remplacement est un désastre.
 En 866, Robert est restitué dans tous ses honneurs à l’Ouest. Il va connaître les invasions et qui sont le fait des Danois, durablement installés de nouveau en 862, dans l’estuaire qu’ils avaient quitté en 859.

**Francs contre Normands et Bretons [VLR]

En 865, partis de Saint-Florent-le-Vieil, les Normands sont allés piller la ville du Mans. Sans doute n’ont-ils pas eu le temps de tout enlever, car à la fin de l’été 866 ils y retournent. Cette fois ils ont fait alliance avec les Bretons. Ils remontent la vallée de la Sarthe par la rivé droite. Cette rivière, il leur faudra la traverser puisque le vieux Mans est construit sur la rive gauche. Le seul passage praticable est à Brissarthe, comme l’indique le nom gaulois de la localité où nous sommes.

En ces temps lointains, la Sarthe n’est pas canalisée, elle ne le sera qu’au siècle dernier. Elle n’est donc pas divisée, comme maintenant, en biefs séparés par des barrages et des écluses. L’étiage est à peu près ce qu’il est de nos jours, en période d’écourues. Ici, la rivière peut être passée à gué.
Sa situation confère à l’époque une grande importance à Brissarthe, qui est, dans le comté d’Anjou, avant son amputation, heureusement provisoire, de 863, ce qu’est de nos jours un chef-lieu d’arrondissement, le siège d’une centena, d’une vicaria, subdivision du comté.

Les Bretons en sont en ce moment les maîtres, puisque, trois ans auparavant, Charles le Chauve a dû leur céder cette partie de l’Anjou.

Les Normands étaient des spécialistes de la traque [6]. Robert le Fort leur rend la pareille. Il réunit une troupe qui devait être importante, d’au moins sept ou huit cents hommes. Aux militaires qu’il a levés en Anjou, s’ajoutent ceux que lui amène le comte de Poitiers, Rannoux, et deux comtes du Maine, Hervé et Geoffroy. Leur troupe attend les Normands et les Bretons à leur retour du Mans. Ils les guettent auprès de Brissarthe où ils passeront certainement. Ils ont entouré la position et tomberont sur les pillards quand ils passeront la rivière à cheval et avec leurs chariots, ce qui facilitera leur désorganisation. Cette fois, les Francs sont résolus à “casser” du Normand, dirait-on de nos jours.

Le choix de Brissarthe s’explique sans doute aussi par la pensée de donner une leçon aux Bretons qui ont trahi la foi jurée. Ils avaient reçu Brissarthe contre la promesse de résister aux Normands. Or, ils sont alliés aux envahisseurs.

Comment nous représenter les militaires francs ?
Ils ne ressemblent pas tout à fait à la statue de Robert le Fort qu’a faite David d’Angers.
 Ils n’usaient point de la hache. Leur bouclier était probablement rond et non triangulaire.
 Leurs boucliers ne portaient point d’armoiries, dont l’apparition n’est pas antérieure aux croisades.
 Leur premier usage ne date que de Louis VII.
 Enfin, ils portaient sur le crâne un casque en forme de cône.

Les Normands étaient à peu près équipés de même. Les uns et les autres avaient le corps protégé soit par une brogne, chemise de cuir — c’est l’origine du mot cuirasse — sur laquelle étaient cousues des plaques de métal en écailles de poisson, ou un haubert, côte de mailles faite d’anneaux de fer.

Les armes sont la lance, l’épée, l’arc et les flèches [7].

La bataille de Brissarthe

Nous possédons un récit assez complet de la bataille de Brissarthe. Fait rare pour l’époque. Il a été écrit par un moine et ancien abbé de Prüm, nommé Réginon, connu d’ailleurs comme canoniste, par son Liber de synodalibus causis [8]. Bien que la chronique de Réginon ait été écrite quarante ans après la bataille, Ferdinand Lot la crédite de l’authenticité, Réginon ayant été un fidèle du roi Eudes fils de Robert, et l’abbaye de Prüm ayant eu d’importantes possessions dans l’ouest de la France, du côté du Lion d’Angers, à Loire et à Chazé-sur-Argos.

Voici le récit de Réginon :

L’engagement se produit au milieu de la journée. Sans doute l’après-midi est-il largement entamé.
Les Normands et les Bretons qui descendent du Mans à cheval, leurs chariots chargés de butin, sont environ quatre cents. Lorsque les Francs qui ont entouré la position se révèlent, Bretons et Normands, se voyant cernés, cherchent refuge dans l’église et s’apprêtent à y soutenir un siège.

L’erreur de Robert et de ses lieutenants est de n’avoir point fait garder l’église, afin d’empêcher les envahisseurs d’y trouver refuge et de s’y retrancher. Réginon nous apprend que l’église était fort grande et bâtie en pierres (basilica pergrandis et lapide constructa). Ces traits manifestent bien l’importance qu’a Brissarthe à cette époque. La plupart des églises de campagne, comme les maisons des paysans, étaient alors construites en bois.
L’église dans laquelle nous sommes ce soir n’est plus celle qui vit la bataille. L’actuelle a été rebâtie trois cents ans plus tard. Mais certainement, l’ancienne église était au même emplacement.

Tous les Normands et Bretons ne peuvent trouver place dans l’église, ou n’ont pas le temps d’y entrer, ou n’ont pu en approcher suffisamment. Ceux qu’ils trouvent hors de l’église, les Francs les mettent à mort. Ils le font sans retard, absque mora écrit Réginon. C’est nous dire en termes pudiques que les Francs font un carnage de Normands et de Bretons. À ce moment, Robert est victorieux [9].

Les Francs sont fatigués par l’effort qu’ils ont soutenu et par la chaleur qu’il fait. Cette chaleur n’a rien d’étonnant. Dans l’obituaire de Saint-Denis, le jour porte la date du 15 septembre selon le calendrier julien. Celui-ci a déjà cinq à six jours de retard sur l’année solaire, le retard ne sera rattrapé par le calendrier grégorien qu’en 1593. La date de la bataille de Brissarthe correspond au 20 ou au 21 septembre du calendrier actuel, époque à laquelle l’Anjou connaît un retour de l’été, l’été dit de la Saint Maurice, qui tombe le 22 septembre.

Déjà le soleil décline vers le couchant. La décision est prise de remettre à plus tard l’assaut de l’église, d’y placer une garde, d’établir un camp et de planter les tentes pour passer la nuit. Le lendemain, ayant détruit les défenses et employant les machines de guerre, on sortira les ennemis de vive force. Robert, qui a eu grand chaud, retire son casque pour s’éponger et délace son haubert ou sa brogne. Il n’aura pas le temps de souffler.

Voyant les Francs dresser leur campement, les Normands et Bretons réfugiés dans l’église saisissent l’opportunité de faire une sortie et de surprendre leurs adversaires. Ils sortent de l’église, poussent de grands cris, et se jettent sur Robert et ses compagnons.

Un deuxième combat commence dans des conditions qui, dans un premier temps, sont favorables aux Francs. Ceux-ci reçoivent le choc courageusement et contraignent les assaillants à rentrer dans l’église.
Hélas ! la fortune va changer de camp.

La mort de Robert le Fort

Voyant sa troupe attaquée, Robert n’a écouté que son courage. Il s’est précipité et a pris le commandement de sa troupe la tête nue et sans son équipement. Percé de coups à l’entrée de l’église, il meurt. Son corps est traîné par les Normands dans l’église même. On ne sait où son corps a été inhumé.

Le comte de Poitiers, Rannoux, demeuré à quelque distance, est visé par un archer normand du haut d’une fenêtre de l’église. Il reçoit une flèche, dont il mourra trois jours plus tard. L’un des comtes manceaux est tué à son tour. L’autre comte du Maine, Hervé, est blessé.

Sans doute les Francs conservent-ils largement la supériorité numérique. Mais la mort de leurs chefs les démoralise sur le coup. Leurs chefs sont morts, ils s’estiment déliés de leurs devoirs. Ils lèvent le siège de l’église à l’heure même et rentrent tout simplement dans leurs foyers, en désordre, tandis que les Normands regagnent triomphalement (ovantes, écrit Réginon), la Loire avec leur butin. La bataille si bien commencée a tourné au désastre.

Dans tout le monde carolingien, la mort de Robert a un profond retentissement. Tandis que son vieil ennemi, Hincmar, voit dans la mort de Robert et dans celle de Rannoux une vengeance divine (in ultionem experiri meruerunt), les punissant d’avoir usé des biens des abbayes en tant qu’abbés laïcs, d’autres, au contraire, louent la vaillance de Robert et le comparent à Judas Maccabée, héros de l’Ancien Testament, ce qui, dans l’esprit du temps, est le plus grand éloge qui se puisse concevoir. Le souvenir de la vaillance l’emportera. Elle vaudra pour toujours à Robert le surnom de Fort, fort au sens moral, du latin fortis c’est-à-dire courageux.

Il arrive à Robert ce qui est le destin des grands hommes. C’est après leur mort qu’est reconnue leur vertu. La mort de Robert ne consomme pas une fin. Elle est en vérité un commencement, celui d’une lignée, celle des Robertiens, qu’on appellera Capétiens, à partir du règne du roi Hugues.

Les Robertiens

Dans le moment, le péril normand continue. Durant bien des années, les Normands ne quitteront plus l’estuaire de la Loire. Les fils de Robert sont encore trop jeunes pour recevoir ses honneurs, dont l’hérédité n’est point encore tout à fait acquise. Le roi Charles en investit un personnage mi-ecclésiastique, mi-guerrier, connu sous le nom d’Hugues l’Abbé. Mais à la mort d’Hugues l’Abbé en 878, il les confère à Eudes, fils aîné de Robert, et Eudes sera roi.

En 888, à la mort de Louis le Bègue, qui ne laisse qu’un très jeune fils, les grands élisent Eudes qui, en 886 a défendu Paris avec un courage héroïque. Il régnera pendant dix ans, jusqu’à sa mort, laissant une réputation de vaillance égale à celle de son père.

En 923 — vingt cinq ans plus tard — le frère cadet d’Eudes, nommé Robert comme leur père, devient roi à son tour. Il est le roi Robert Ier. Son règne dure moins d’une année, Robert Ier trouve la mort dans un combat. Un autre Robertien, Raoul, lui succède.

Après Raoul, durant un demi-siècle, les descendants de Charlemagne, les Carolingiens, vont de nouveau régner : Louis IV, Lothaire et Louis V, mais leur règne est nominal.

Dans la France du nord, les véritables maîtres du pouvoir sont le petit-fils, Hugues le Grand, et l’arrière petit-fils de Robert le Fort, Hugues Capet, qui ont pris le titre de duc des Francs.

Le dernier roi carolingien, le jeune Louis V, meurt à vingt ans à Compiègne, en mai 987, d’un accident de chasse qui lui est survenu à Senlis. Il n’a point d’enfant. Son plus proche parent est son oncle Charles duc de Basse-Lorraine, passé au service des Othoniens en Germanie.

L’avènement du roi Hugues Capet

Avant sa mort, le roi Louis V avait convoqué les évêques et les grands à Senlis pour leur faire juger l’archevêque de Reims, Adalbéron. Le roi mort, Adalbéron assisté de son écolâtre Gerbert d’Aurillac, le futur pape Sylvestre II, retourne la situation. Persuadant l’assemblée qu’il convenait de reconnaître en droit le pouvoir royal à celui qui en avait la réalité, suivant la réponse du pape Zacharie aux envoyés de Pépin le Bref, il fait élire roi, le duc des Francs, Hugues, qui sera sacré de ses mains, le 3 juillet 987, dans la cathédrale de Noyon.

Voilà l’événement dont la France célèbre, en cette année, le millième anniversaire. L’arrière petit-fils de Robert le Fort est désormais roi de France. Ses descendants le seront durant plus de huit cents ans. Aucune dynastie n’eut jamais pareille longévité. À cette heure, deux de ses descendants règnent, l’un sur l’Espagne, l’autre sur le grand-duché de Luxembourg.
Magnifique histoire, tissus d’heures de gloire et de temps d’épreuve. Remarquable par la continuité du dessein, dont l’aboutissement seront la France, notre pays, et la nation française à laquelle nous appartenons.

Vers l’hérédité de la monarchie capétienne

Hugues est un roi élu. Il s’attache et ses successeurs s’attacheront à rendre la couronne héréditaire dans la famille capétienne. Avant la fin de sa première année de règne, Hugues s’associe son fils Robert, du consentement des grands, et le fait sacrer roi à Orléans le 25 décembre, jour de Noël, 987. Ses successeurs suivront son exemple pendant deux siècles. Au début du XIIIe siècle, Philippe Auguste jugera l’hérédité suffisamment ancrée et reconnue par la coutume pour ne plus faire sacrer, de son vivant, le futur Louis VIII.

Le pouvoir assuré dans leur dynastie, les rois de France — ils porteront ce titre à dater de 1209, au temps de Philippe Auguste et non plus celui de roi des Francs — s’appliquent à leur grande tâche : faire la France.

Le remembrement du Royaume de France

Au temps d’Hugues, l’autorité effective du roi s’étend aux terres que l’on appelle son domaine, et, même dans ce domaine, le roi a grand peine à faire respecter son pouvoir. Le reste de son royaume est un conglomérat de principautés territoriales. Le royaume de France est une sorte de confédération au sein de laquelle la souveraineté du roi est bien théorique.

Le patient travail de nos monarques sera le remembrement de leur royaume par le rattachement de ces principautés au domaine de la couronne. Le roi y réussira puisqu’à la fin de la monarchie, huit siècles après Hugues Capet, ne manqueront plus que la Savoie et le comté de Nice, acquis en 1860 seulement par Napoléon III.

Au prix de quelles difficultés, de quelles traverses, de quelles épreuves et même de quels retours ! Car les rois de France auront souvent l’idée malheureuse de constituer de considérables parties de leur domaine en apanages héréditaires à leurs fils ruinés. Peut-être leur était-il difficile de faire autrement.

Lors de l’avènement de Philippe Auguste, plus de la moitié de la France est au pouvoir d’un prince bien plus puissant que le roi.

Cent cinquante ans plus tôt, le duc de Normandie a conquis l’Angleterre. Puis, le comte d’Anjou, Geoffroy, a épousé Mathilde, héritière du royaume d’Angleterre et de la Normandie. Leur fils, Henri Plantagenet, épouse Aliénor qui apporte toute l’Aquitaine.
Philippe Auguste, Louis VIII et saint Louis enlèveront aux Anglo-Angevins leurs possessions de l’ouest de la France. Seule leur restera, mais pour deux siècles, l’Aquitaine.

Cinquante ans après la mort de saint Louis, le roi d’Angleterre, Edouard III, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, revendique la couronne de France. Commence un conflit désolant et désolateur qui dura cent ans et plus. L’indépendance de la France paraît sombrer, lorsque se produit dans l’Histoire, l’irruption miraculeuse de Jeanne d’Arc. Le conflit se termine par la reconquête de l’Aquitaine entière par le roi de France. L’étranger renvoyé chez lui, restera fort à faire à Louis XI avec les grands, princes apanagistes pour la plupart, mais qui ne sont pas moins ambitieux et moins indisciplinés.

On mesure alors que le roi n’a pas seulement réuni des terres, mais qu’il a aussi rassemblé des hommes qui ont désormais bien conscience de former un peuple, qui ont la volonté de vivre ensemble, qui ont la volonté de défendre leur indépendance. La Nation française est née, par le fait des rois.

Mais la tâche n’est point finie.
Les Grands, querelleurs, indociles et souvent mauvais Français, ne seront mâtés qu’au XVIIe siècle. Ce sont Louis XIII et Louis XIV, aidés de Richelieu et de Mazarin, qui en viendront définitivement à bout. Enfin !

L’indépendance nationale

Le péril anglais n’est pas écarté depuis cinquante ans que le royaume de France est encerclé par les Habsbourg. L’héritage de Bourgogne apporté par mariage à Maximilien d’Autriche passe à son fils Philippe qui épouse la fille des rois catholiques, le tout est transmis à son petit-fils Charles qui devient l’empereur Charles Quint.

Commence au temps du roi François Ier un siècle et demi de lutte contre la maison d’Autriche, cependant qu’à l’intérieur le royaume est bientôt désolé par des guerres civiles, les guerres de religion qui provoquent les interventions des puissances étrangères. Henri IV mettra fin à ces dernières. Les traités de Westphalie et des Pyrénées élimineront le danger autrichien et le danger espagnol. Ils sont les chefs-d’œuvre de la diplomatie française.

La prépondérance française

S’ouvre alors l’âge que les historiens dénomment la prépondérance française, le règne de Louis XIV, Louis le Grand, auquel F. Bluche a consacré un grand livre l’an dernier.

C’est à des coalitions étrangères que, cette fois, le roi devra résister.
Il en sortira, après de grandes épreuves, finalement victorieux. Jamais la France n’a été aussi grande. Dans ces jours d’épreuves, alors qu’il attendait la victoire salvatrice de Villars, à Denain, Louis XIV pouvait dire à un ambassadeur étranger insolent : « Monsieur l’ambassadeur, j’ai toujours été le maître chez moi et quelquefois chez les autres. Ne m’en faites point souvenir. »

Tel est le langage de l’indépendance nationale, qu’en d’autres heures le général de Gaulle, lui aussi, a su parler. [10]

Louis XV ne fut pas aussi heureux, et il a été incompris. Seul lucide, il avait perçu que l’ennemi redoutable n’était plus l’Autriche, mais la Prusse adulée des intellectuels du temps. Il y a quarante ans, nous avons vu une intelligentsia française, béante d’admiration devant Staline. Il est de funestes traditions chez les intellectuels. Louis XV acheva son règne par des mesures que le jeune Louis XVI eut le tort d’abandonner. Il devait y perdre son trône. Du moins avait-il adouci et humanisé le droit français, tiré de l’Angleterre une revanche éclatante en aidant, en faisant militairement, l’indépendance des États-Unis, en dotant l’armée française de l’armement avec lequel la Révolution et l’Empire gagneront leurs batailles.

Et après 1815, ce seront encore les Bourbons qui panseront les plaies d’une France épuisée et exsangue. Aucune élimination n’est plus injuste que celle des Bourbons par les Orléans.

En huit siècles, les rois capétiens ont accompli leur œuvre. Ils ont été, pour leurs sujets, d’abord et surtout des justiciers. Ils les ont libérés en les soustrayant à l’arbitraire des pouvoirs locaux, toujours plus oppressifs que le pouvoir central.

Deux siècles ont passé. D’autres pages, qui, comme toute histoire, ont été tantôt glorieuses et tantôt douloureuses, tantôt bien ternes — peut-être les plus heureuses [11] — ont été écrites. Elles font aussi partie de notre histoire. Elles ne devaient pas faire oublier, elles ne feront jamais oublier aux Français, l’histoire d’une dynastie qui s’est confondue durant près d’un millénaire avec celle de la France, puisque ce sont ses rois qui ont fait la France, ces rois dont l’ancêtre est tombé à Brissarthe, les armes à la main, un soir du mois de septembre 866.

Précision de VLR

Nous avons retranscrit le texte intégral de la conférence de Jean FOYER, cependant VLR n’adhère pas à ces deux propositions situées dans le paragraphe précédent :

 « Tel est le langage de l’indépendance nationale, qu’en d’autres heures le général de Gaulle, lui aussi, a su parler. »

 « Deux siècles ont passé. D’autres pages, qui, comme toute histoire, ont été tantôt glorieuses et tantôt douloureuses, tantôt bien ternes — peut-être les plus heureuses — ont été écrites. »


Voir en ligne : Institut des Sciences Historiques


[1Monseigneur Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou et de Cadix (père de Louis XX [note de VLR])

[2Madame Françoise de Bourbon, princesse de Lobkowicz.

[3Monsieur Jean Arthuis, secrétaire d’État.

[4Monsieur Henri Coury, Préfet du Maine-et-Loire.

[5Le docteur Jean Chalopin, 1er vice Président du Conseil Général du Maine-et-Loire.

[6F. Lot, L’art militaire, t. 1, pp. 109-110.

[7F. Lot, L’art militaire, t. 1, pp. 103-104.

[8F. Lot, « Une année du règne de Charles le Chauve », in Le moyen âge, XV 1902, pp. 394-438, spéc. pp. 427-433, reproduit in recueil des travaux historiques de F. Lot, Droz, Genève - Paris, 1970, spéc. pp. 449-455.

[9F. Lot, loc. cit., p. 450.

[10VLR n’adhère pas à cette proposition.

[11VLR n’adhère pas à cette proposition.